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Acéphalopolis

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Panlogue du calife de Bagdad Haroun Al Rachid

Jusqu’à la Sphère monte le vacarme de la tour Panoptic, sur le silence tombal de Kapitotal. Faut-il s’étonner si la plus haute voix qui s’y soit élevée depuis la terre d’Israël depuis sa création fut celle de l’aède palestinien Mahmoud Darwich ? Du point de vue de la Sphère, le sionisme est un antisémitisme. Car Abraham, issu de Sem, naît en Mésopotamie. Chef de tribus nomades, il s’aventure en Egypte et en Syrie, passant par une contrée fertile dont le nom est celui d’un descendant de Cham : Canaan. Le récit de cette errance mythique, un millénaire plus tard, est dû à des prêtres soucieux d’assurer caution divine à la conquête coloniale d’un pays devenu royaume de Juda. Ce récit servira de prétexte à la fondation d’Israël dans un contexte colonial moderne, dont les modèles s’inspirent du paradigme biblique. Il s’agit d’occulter le fait que les Arabes ont pour ancêtre Ismaël, fils d’Abraham et de la lignée sémite. C’est une insulte à celle-ci que de l’identifier aux seuls fils d’Isaac et de Jacob : insulte raciste fondée sur le statut d’esclave qui était celui de la mère d’Ismaël. Maïmonide, que le judaïsme tient pour son grand philosophe, ne déniait-il pas d’autre part aux Africains l’appartenance au genre humain ?...

Selon lui, l’Israélite est tenu de se distinguer dans tous les domaines de ceux qui n’appartiennent pas à la race élue, car l’Eternel a déclaré : « Je vous ai séparés de tous les autres peuples pour que vous soyez à moi ». S’ensuit, dans son code idéologique, la condamnation par lapidation ou pendaison de tout ce qui serait tenté par la raison socratique ; mais aussi de tout ce qui effectue des présages, voit des signes, entre en extase, pratique la divination, « conseille d’entreprendre telle action et de se garder d’en entreprendre telle autre ». Ce Grand Inquisiteur est l’inspirateur des futurs bûchers pour sorcières et hérétiques du catholicisme... Charmes et incantations, l’idée qu’il puisse y avoir de l’esprit dans les étoiles : voilà ce qu’il faut éradiquer. L’enchantement est crime, comme « l’œil du cœur » ou, se référant à l’Exode, la critique « d’un gouvernant d’Israël ». Cette mise à mort de l’aède et de Shéhérazade est conforme au Deutéronome, qui voue Israël à déposséder les nations où sévissent « les observateurs de la nue et les devins »…


Le théâtre de l’Atlantide a pour scène l’envers du décor, où s’éclairent des manipulations révélant un cynisme tragique ; le corollaire en est un comique involontaire. Ces jongleries promeuvent un trompe-l’œil ne pouvant engendrer que la catastrophe : on feindra de s’en désoler... « Séisme ! », s’indignent les bateleurs de la tour Panoptic devant un krach de la planète financière, le triomphe électoral de l’extrême-droite ou quelque déflagration pestilentielle sur le marché culturel – tous phénomènes consubstantiels à Kapitotal. N’en sont-ils pas les  artificiers, chargés d’entretenir l’incompréhension des effets comme l’ignorance des causes ? On revêtira donc l’habit sacerdotal au service du pouvoir temporel, comme officiaient les Pharisiens pour le palais d’Hérode, lequel répondait aux ordres de Rome. C’est un tel canevas qui entraîne ma dramaturge à Washington. Un même pharisianisme anime la caste médiatique, dont son guide est le grand-prêtre, à servir cette courtisane en vitrine du lupanar occidental ayant nom de TINA : There Is No Altenative. Mille fois chaque jour s’entend invoquer cette idole, avant de passer à la caisse de l’urne où la voix du client vaut le sperme au lavabo du bordel. Ainsi cinq cents millions d’Européens se voient-ils sommés d’élire cinq cents députés, dont le pouvoir exécutif est à la discrétion de Goldman Sachs. Dupe stupide celui qui se récrie : « Ce n’est pas cette Europe-là que je désire ! », comme un pigeon naïf débarqué de son bled répondant à la tourterelle du marché qu’il rêve d’un autre amour que celui qu’on lui vend. Du moins lui est-il enjoint de se conformer à l’exemple des volatiles ayant choisi le marché libre en Ukraine ! Sans quoi le prêche n’a pas de fin qui le traite en apostat des valeurs judéo-chrétiennes. Un humour mafieux préside alors au chantage intimant à ce pigeon de ne pas s’interroger sur un commerce auquel il est dans son intérêt de ne point se dérober. Goldman Sachs n’est-il pas mieux placé que tout Etat pour défendre les pigeonniers ? Ce dogme s’édicte en un commandement suprême dans les nouvelles Tables de la Loi : mieux vaut confier son sort à la philanthropie du patronat qu’à la bureaucratie des syndicats. Tout prolétaire doit donc se faire complice du gang des actionnaires. Halte à l’Etat prédateur ! Vive l’entrepreneur protecteur !  C’est l’enjeu des élections en Europe comme en Ukraine, aussi bien que du Grand Marché Transatlantique. N’y pas souscrire est nier l’essence même des valeurs démocratiques…


Shéhérazade connaît tous les sésames enjoignant aux cavernes les mieux protégées de s’ouvrir. Devant son « iftah ya simsim », qui est la formule arabe du conte, la Chine dut baptiser son premier groupe internautique Ali Baba. Ni la Maison Blanche ni le Pentagone, ces accomplissements bibliques de l’Amérique, ne restent clos si lui vient le caprice d’y causer du Grand Marché Transatlantique. Si dans la Genèse l’Eternel voue Cham à l’esclavage, s’il offre à Japhet la domination du monde et à Sem d’être son hôte privilégié, qui d’autre que Shéhérazade a-t-il assez l’oreille des agents d’Hollywood pour les persuader de consacrer un budget à Noé ? New York ressemblait pour elle à un décor de scène utile au spectacle. Avant d’y faire son entrée elle baisait les pieds de la statue de la Liberté, trouvant que celle-ci jouait son rôle avec un naturel parfait. Mieux que la bande habituelle de trafiquants et de combinards entourant toujours le président dont la demeure à Washington, sous ses colonnades factices, lui semblait l’abri d’une cour des miracles. « Qui est-ce qui tire les ficelles dans ton village, grand chef ? » Ainsi parlait-elle à Obama, qui répondait : « Nul ne peut contester que je dirige la plus belle démocratie au ketchup ». Après les préliminaires amoureux, venait sur la table du bureau Ovale ce « Fuck Europe » lancé par la sous-secrétaire d’Etat Victoria Nuland en Ukraine, dans une langue exprimant la culture des maîtres du monde. Ce qu’avait mission d’occulter l’agent belge préposé à la Commission européenne pour faire exécuter ce plan que l’on présumait sodomite, si l’on s’en référait aux progrès des mœurs occidentales. Etant donné la réalité planétaire, sa représentation doit faire l’objet d’une inversion. Tel était le postulat qui s’imposait à la domination ; telle était la fonction de Panoptic pour Kapitotal. Comment faire apprécier le Transatlantic Free Fucking Agreement par cette rombière de Vieux continent ? Comment la faire jouir des sévices auxquels elle doit souscrire par le contrat de son vote offrant ce 25 mai les pleins pouvoirs aux macs de la Commission ? Ce n’est pas en vain que la conteuse orientale avait fait ce voyage dans un jet piloté par son cavalier de Paris. L’histoire judéo-chrétienne, tint-il à expliquer, se confond au pacte à la fois complice et conflictuel des « sémites » et des « aryens », organiquement liés à l’avènement d’Israël.


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