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Séminaire de la Sphère

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Vous qui rechignez à entendre la voix de Shéhérazade, cher Monsieur Pivot, n’ayant d’oreilles que pour votre programme sous prétexte que mon message est inaudible par sa complexité, ne voyez-vous pas combien s’investissent de milliards dans une mathématisation du monde au langage autrement difficile à comprendre ; dont les experts jouissent de gratifications indiscutables, alors même qu’ils échouent dans leurs tentatives d’appréhender la Sphère ? Ainsi dix mille physiciens, dans cette arène à 10 milliards € qu’est l’accélérateur de particules du CERN à Genève, traquent le vide pour y débusquer un ange introuvable, qui validerait leur modèle standard de l’univers. N’ont-ils pas eu l’idée curieuse d’attribuer le nom d’Atlas à l’une de leurs armées ? Ma danse rejoindra donc celle de mon cavalier sur ce mur ceinturant votre studio sous les Pléiades, au rythme apaisé du piano de Rakhmaninov. En Shéhérazade se mêlent toutes les femmes, et singulièrement celle dont le nom fournit la clé de l’énigme que vous poserez à vos invités : que signifient les mots sibyllins visibles au sommet du temple d’Hérode en Atlantide : ISRAEL TO LET ?... Quant aux chercheurs de Genève, même s’ils ont découvert, au plus intime de la matière, des particules élémentaires jouant les anges messagères, dont certaines de masse nulle se déplaçant à la vitesse de la lumière sont appelées photons, lesquelles messagères furent à l’origine de l’univers, un phénomène inconnu faisant naître la masse dans les particules voisines, donc matière et  temps ; comment pourront-ils jamais détecter l’horloge des anges d’ici-bas se reliant à l’éternité d’au-delà ? C’est la question contenue dans la longueur de ma question pendant que s’écoulent quelques notes au piano. Directement politique : celle du rapport entre le temporel et le spirituel. Ce n’est pas sans ironie qu’un moderne culbuteur d’atomes traque les peuples du néant dans le vide, quand privés de leurs anges ancestraux les peuples tournoient dans le vide jusqu’au néant. Quelle autre finalité que la mise en chiffres du monde, par un système de calculs autorisant l’évaluation du temps, de l’espace et de tout ce qui engendre la valeur ? Les fruits de l’esprit ne valent rien, Monsieur Pivot. Tout créateur est un vaurien. Sous la domination bourgeoise, les plus géniaux d’entre eux le prouvèrent à l’extrême : Rimbaud, Marx, Van Gogh – trois Belges, à considérer la Gallia Belgica de César. Leur dialogue sur les escaliers d’accès au British Museum – quand ils furent ensemble dans la capitale du plus grand empire mondial voici cent quarante ans – fera partie, comme vous pouvez très aisément l’imaginer, du Théâtre de l’Atlantide...

 CERN Higgs Events in ATLAS & CMS

Les enchères sont ouvertes pour une mise à prix de la conteuse orientale en sa Mille et Deuxième Nuit. Mais Shahrazad n’appartient pas plus à la réalité que l’Atlantide. Elle est une messagère de l’Œil imaginal. S’il est utile, pour mesurer la matière, d’employer l’instrument de la Valeur, la Parole que transmet Shahrazad est d’une autre dimension, sans valeur ni prix. La non-matière est donc au cœur de la matière, comme l’au-delà dans l’ici-bas, l’esprit au noyau de la masse atomique, l’information pure ou le signe dans la secrète intimité de l’énergie. Shahrazad appelle mana (protologisme dont la racine est commune à toutes les civilisations, dans la langue arabe signifiant le « sens »), un mystère dont la formule, pareille à celle d’Einstein pour l’énergie, sera l’enjeu du prochain millénaire…

Cette formule définira l’information comme le mana x la vitesse de la lumière au carré. Sera donc ridiculisée l’ « informatique » à l’origine de la tour Panoptic, en tant que machine de guerre contre l’information, tout autant que la « biotique » sera vue comme arsenal militaire contre la vie dont se nourrit Kapitotal. J’écris ceci dans un gourbi d’Aourir, sachant combien ces idées n’ont aucune chance d’être accueillies par la machine éditoriale française, au grand complet représentée sur la casbah d’Agadir. N’apprend-on pas aujourd’hui que « Google dévoile Kitkat, son nouvel Androïd destiné à distancer Apple » ? Entre Androïd et l’Atlantide il faut choisir : les industriels de la chose imprimée semblent avoir opté, si l’on en juge par le rayon lumineux Qatar Fashion Group surplombant l’enceinte où va commencer l’émission littéraire. Gallimard–LVMH : une alliance nouvelle du luxe et de l’édition ! L’art et la littérature comme illusions de marchandises affranchies des contraintes industrielles. Gaston Gallimard, au cours d’une autre guerre, n’était-il que boutiquier prompt à servir l’Occupant, par exemple en ses liens avec Aragon et Elsa Triolet qui m’envoient ces messages – du grec angelisma ? C’est de l’angélisme, oui, cela qui vous surplombe depuis l’Atlantide en l’Œil imaginal de Shahrazad, alors que résonnent en l’éternité de la Sphère les messages apaisés d’une trentaine de notes au piano fixées dans la mémoire de tous comme le générique d’une émission littéraire mythique. Message devenu cliché musical vidé de son mana, mesure d’audimat pour la Panoptic…

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