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Le Tabou du Mana

Quintessence du sens en l'avenir qui est


Le silence. Impossible d’en dire plus. Peut-être Shéhérazade n’a-t-elle pas le droit de s’abandonner à de telles songeries, qui ne sont que supputations de navigatrice interséculaire échouée dans une époque où elle ne comprend rien. Quelle prétention que de juger les élites responsables du sort de tous ! Le corps de la conteuse orientale est soudain traversé par une secousse. L’Œil imaginal embrasse à nouveau l’Europe en ses multiples faces, mais les interventions du Moloch ont changé de sens. Peut-être est-ce l’effet de sa beuverie dans un tel crâne ? Jamais, souffle Hugo, dont l’esprit s’empare de ce théâtre, le Vieux continent n’a surmonté son écartèlement d’Est en Ouest. La rébellion des Titans fut punie par l’Olympe d’une relégation d’Atlas et de Prométhée, l’un aux colonnes d’Hercule et l’autre sur un pic du Caucase, où le voleur de feu se fait toujours dévorer les entrailles par l’aigle de Zeus, non loin de l’arche de Noé. Cette montagne est un lieu mythique où s’affrontent les légendes hellénique et judaïque. Prométhée, maudit pour avoir offert aux hommes la lumière, deviendra Lucifer dans la symbolique du christianisme. Noé, maudissant Cham et condamnant sa descendance à un sort d’esclavage, est le plus vieux patriarche de la tradition judéo-chrétienne. Inventant par son arche le premier container de l’histoire, il inaugure le transport maritime à gros tonnage, dont les armateurs grecs s’empareront pour dominer une ère du capitalisme. Qu’est d’autre celui-ci que féroces rivalités ? L’on a vu mettre à genoux par Goldman Sachs la Grèce, et son cortège d’idéalités symboliques. À l’autre bord, le destin de servitude promis aux héritiers de Cham ne s’est-il pas accompli dans l’Atlantique par la traite négrière, qui permit la création des Etats-Unis conquis telle une Terre promise biblique ? Le conflit des deux racines culturelles d’une civilisation se conclut donc par le triomphe de celle se prévalant d’une idole universelle, à l’heure d’un empire à prétention planétaire. L’ère de Kapitotal n’est-elle pas celle où s’impose le Moloch en soumettant toute puissance publique à sa loi d’essence mosaïque, par la grâce de cet appareil de propagande mondial qu’est la tour Panoptic ? Victor Hugo propose d’illustrer la fusion de Kapitotal et de Panoptic par un exemple en ce théâtre de l’Atlantide. Toutes les puissances du Moloch financent et arment le combat des millions de migrants africains risquant leur vie pour forcer le verrou de la forteresse européenne aux colonnes d’Hercule : hécatombes meurtrières mettant la Méditerranée à feu et à sang. Pas un dollar pour la part orientale de l’Europe : revient la paix du temps de l’heureuse Yougoslavie !


Combien Shéhérazade regrette le roi de sa légende ancienne, qu’il fallait tenir nuit après nuit en haleine pour éviter une seule victime au matin… Le Prince de ce Monde, comment le rassasier si le logiciel de la Torah gouverne l’arche cybernétique ? Elle vient de rêver à l’Union soviétique, un rêve qui revient souvent. N’est-ce pas le plus beau rêve d’un siècle entier ? Combien de fils et filles d’Abraham y furent associés ! Elle-même, n’appartient-elle pas à la race de ceux qu’on disait enjuivés, pour crime d’appartenir à la Résistance, voire pire, au Parti ? Dans la bouche des collaborateurs, cela signifiait « terroristes ». Le vocabulaire n’a guère changé, même s’il n’y a plus de Parti. La Collaboration du Reich traque ce qu’il en reste au nom de l’Eternel incarné dans les marchés financiers pour guider l’avenir planétaire ainsi que Moïse au désert, avec promesse de vaincre toutes les mers de sang. Des traités internationaux font office de Tables de la Loi révélées par Yahvé. Les services traitant la mémoire  ont transformé le rêve en cauchemar. Ce qui provoquerait un étrange réveil, une fois dissipés les somnifères, après le grand Son et Lumière…  La conteuse orientale dénude son visage d’un sourire qui explose en ses yeux seuls visibles dans la fente que lui font ses voiles noirs. La foule se presse comme un troupeau sous les Schnell ! Schnell ! de la Polizei des agences de notation, sommée d’obéir sous peine de Vernichtung. Tel est le mirage de l’oasis européenne, que l’on meurt à Kiev pour y obtenir le droit de se faire tondre par le FMI. Les guerres civiles, en Georgie comme en Ukraine, ont-elles autre enjeu que de soumettre Prométhée non plus au Zeus de l’Olympe mais à l’Alliance atlantique ? Etat de droit et bonne gouvernance : label publicitaire du Moloch. Ce dont peut témoigner un peuple parisien secoué de spasmes convulsifs. Chacun de ces autochtones est plus étranger au monde et rongé d’exil intérieur que tous les hommes en djellabas, que toutes les femmes en voile dont je fais partie. Ne les a-t-on pas convaincus, ces Français, d’en assassiner jusqu’à l’ombre, de ces Arabes, comme celle jadis des enjuivés, sous promesse de retrouver le soleil de la croissance grâce à la compétitivité ?...
Discuter les diktats identifiait naguère la démocratie. L’ordre planétaire ne se discute plus depuis que la soif du Moloch est dite humanitaire.


Si quelque djinn surgi d’une lampe d’Aladin pouvait dire à cette foule que l’esprit seul éclaire les événements ! La succession toujours plus accélérée d’actualités mobilisant leur attention révèle en quel gouffre une civilisation s’abîme. Au cours de leur immémorial voyage, toutes ces populations viennent de communautés primitives et aspirent à rejoindre une communauté mondiale. Mais de quels mirages est tissé le fabuleux décor de la ville moderne ! De quelles illusions d’optique… Dans la première cité cosmopolite, Socrate imagine l’hypothèse d’une harmonie psychique, politique et cosmique. L’humanisme fait renaître cet idéal, même s’il ne résout pas les conflits entre citoyens libres et esclaves. C’est par le massacre et le pillage des peuples colonisés, non moins que par la réduction des masses paysannes au statut d’ouvriers prolétarisés, que s’assure la richesse occidentale. Après usage de la culture grecque, justifiant de principes civilisateurs et démocratiques l’extension des marchés, vient l’heure où les contradictions s’aiguisent entre capital et force de travail. Les idéalités platoniciennes s’avèrent obsolètes pour légitimer leurs contraires faits de maux, d’injustices et de laideurs. Colonnes et frontons de temples athéniens peuvent orner les façades à l’antique des parlements nationaux comme du Panthéon, mais le club qui s’empare de l’humanité trouve un meilleur avantage dans la divinité biblique. Le masque nègre élu par Goldman Sachs à la Maison Blanche ôte sa cagoule du Ku Klux Klan, comme le Cagoulard venu de l’Elysée : leur onction messianique est assurée par Jérusalem. Accorder valeur transcendante à la plus haute criminalité financière et soumettre à son joug toute instance esthétique, éthique, politique afin que les ordures du marché de l’art et les détritus idéologiques soient un investissement rentable et asphyxient tout espace où le capitalisme classique autorisait encore l’autonomie d’une expression critique : il fallait rien de moins que la vieille imposture judaïque pour accomplir un tel programme. La promotion, dans la culture, de l’excrément en guise de nourriture, est le corollaire d’une inversion généralisée, qui produit des populations déboussolées. N’est-ce pas « la gauche » qui fait l’apologie de ces intoxications modernistes ? N’est-ce pas « la droite » qui paraît défendre le bon sens ? Par-delà ces clivages, nul ne met en question la nécessité d’un monde où les gadgets humains sont interconnectés par Kapitotal, grâce aux réseaux de la tour Panoptic...


Populations occidentales,
écoutez une conteuse orientale :

« Ah ! nation pécheresse, peuple chargé d’iniquités, race de méchants ! Toute la tête est malade, et le cœur languissant ! Des pieds à la tête, il n’y a rien de sain. Vos mains sont pleines de sang. Lavez-vous, purifiez-vous. Comment est-elle devenue une prostituée, la cité tombée aux mains des meurtriers ? »

Isaïe    

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