Acéphalopolis

Depuis les prophètes bibliques, en passant par Spinoza – qui réfute le judaïsme et s'en trouve excommunié jusqu'à nos jours –, le plus haut génie juif (Marx et Freud, Einstein et Chaplin, Bloch et Benjamin) fustige la duplicité du pouvoir temporel s'arrogeant une légitimité spirituelle accordée par l'Eternel, dont le masque recouvre une gueule de Moloch. Ainsi LLoyd Blankfein, PDG de Goldman Sachs, peut-il affirmer : « Je fais le travail de Dieu ». Non sans accorder satisfecit à Baby Mac, protégé de Rothschild, qui tira profit de toutes les guerres depuis Napoléon...
Faut-il expurger les œuvres de Shakespeare et de Balzac, en éradiquer les personnages de Shylock et du baron de Nucingen, afin de complaire à la Sensure et n'être pas condamné (par un de ces paralogismes dont est friande l'actuelle Propaganda Stafel) pour complicité de génocide ?...
Si l'humanité jamais ne fut à ce point scindée avec elle-même (Élus et Damnés, winners et losers), ne peut-on repérer les traces d'une telle rupture ontologique dans la plus vieille tradition monothéiste ?...
Avant l'ère de la tour Panoptic, une feuille satirique manifestait l'esprit frondeur hérité de la Résistance, de la Commune et de la Révolution. L'antagonisme entre " gauche " et " droite " relevait d'une conflictualité démocratique, définie par des intérêts de classe opposés...
C'était aussi l'ère d'avant Kapitotal. Depuis, le système d'exploitation, de domination, d'aliénation capitaliste, s'est assuré une telle hégémonie qu'il requérait un appareillage inédit pour travestir les représentations du réel. Cette feuille satirique est devenue l'organe des gouvernements successifs. En guise de clivage politique, celui qui oppose la tyrannie financière à la servitude miséreuse a moins droit d'exhibition que les différences de peau confessionnelles. « Ici, c'est le pays de Dieu et de la vierge Marie, pas des musulmans », clame tel député du Front national devant Marine Le Pen qui l'approuve. « Ici, c'est le pays de la République laïque, pas celui des musulmans », clame tel ancien Premier ministre socialiste en présence du président du CRIF et du Rédacteur en chef de Charlie qui l'approuvent, dans la même unanimité que les éditorialistes propriétaires de l'opinion publique...

Aussi, face à l'image d'un Baby Mac portant sur son brassard le symbole du dollar, en extase devant une plausible Trinité de notre temps formée par tel financier du massacre, tel agioteur et tel idéologue à leur service, est-on frappé par une divine surprise : tiens, une caricature féroce dans l'esprit du Charlie-Hebdo d'avant Kapitotal et la tour Panoptic !...
L'esprit frondeur serait-il de retour ? A vrai dire, j'avoue ne pas croire à la rumeur qui m'est parvenue en Atlantide. L'image en question, postée par un brave député socialo, lui aurait valu l'exclusion de son parti, mais aussi l'excommunication médiatique ! Abject ! Odieux ! Nauséabond ! Lui-même se serait excusé ! Des pétitions auraient couru, pour ce qui serait devenu une affaire d'Etat !...
Quand représenter le prophète Mohammed coiffé d'une bombe dans son turban manifesterait une liberté d'expression dont s'enorgueillit la tour Panoptic, railler la complicité du symbole de l'esclavage par la dette et de son Chief Executive Officer au sommet de l'Etat, blasphémerait donc les plus nobles idéaux sacrés de Kapitotal ?...
Je ne vois, dans cette illustration de nos temps d'inversion généralisée, qu'un défaut : les bannières étoilées d'Israël et des Etats-Unis auraient dû être flanquées du sabre illustrant la dynastie des Saoud, afin que chacun voie dans cette chimère tricéphale (où a disparu l'épouvantail Abou Bakr Al Baghdadi, golem fabriqué dans les geôles américaines ?) – l'emblème du sionisme salafiste, ce comble de l'antisémitisme...

Pendant ce temps Baby Mac parade en Afrique – où il fit sa fortune aux ordres de Rothschild, grâce au rachat par Nestlé du concurrent Pfizer –, inspectant les postes avancés de la forteresse et parlant de dialogue. Bien sûr, il n'y a plus de "Françafrique", même si le cours du franc CFA se fixe plus que jamais à Paris, mais ce n'est pas un sujet ! Peut-il ne pas surenchérir dans le cynisme face aux étudiants : « Faites-moi confiance pour défendre votre avenir » ?...
Les apôtres de l' "intelligence artificielle" ne propagent pas une religion future : à l'empire du nouvel évangile – celui du shadow banking, dont le Veau d'Or est un robot – sont déjà soumis les cerveaux d'Acéphalopolis.

Anatole ATLAS, le 1^er décembre 2017

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