FATUM CAPITALISTUM
Aucun agent de Kapitotal ne serait capable, même s'il en avait l'intention saugrenue, d'une vision globale envisageant un devenir historique viable pour l'humanité, puisque le septième étage de la culture – où se théorisait et se créait jadis le sens du sens du sens - fut condamné par les huissiers de la tour Panoptic...*
Cet étage, que je nomme symboliquement « septième », était celui de la prophétie biblique en appelant aux idéaux de justice et de vérité contre l'hypocrisie des pouvoirs temporels et spirituels, comme de la réflexion philosophique et de l'intuition poétique...
Inaccessible à la valetaille gérant l'actuel Son et Lumière planétaire, cet étage fut celui d'où Karl Marx eut le génie d'inverser l'histoire de Peter Schlemihl – roman de Chamisso décrivant un homme ayant perdu son ombre – pour voir dans le capitalisme un monde « peuplé de Schlemihls à rebours : des ombres ayant perdu leurs hommes »...
C'est prisonniers d'un enclos n'autorisant aucune liberté de l'esprit, que s'imposent comme un fatum les dogmes du discours libéral dominant...
Les Etats-Majors commandant le sens du sens idéologique ne logent plus qu'à des niveaux inférieurs, présentés comme sommets de la pyramide intellectuelle par un jeu d'illusions d'optique leur conférant une qualité de gardiens, chargés d'inculquer au troupeau l'unique sens unique de son existence...
Si, par un regard en surplomb (celui du 7e étage), on envisage comme un système le stratagème ayant réuni plus qu'il n'opposait les deux vedettes en finale du dernier show électoral (après élimination de toute alternative), il se révèle que chacun gérait un principe d'esclavage et la fiction d'une émancipation, selon des modalités nécessaires l'une à l'autre. Ainsi la domination devient-elle maîtresse de toute opposition...
Celle-ci s'incarne dans une figure passéiste, représentant la frustration des losers, face au symbole de l'avenir s'identifiant à l'image du winner. Ouverture et optimisme des élites contre pessimisme et repli sur soi des bas-fonds : tous les bavardages planétaires, à grands renforts d'experts médiatiques, en un cliché magazinesque...
Pureté chevaleresque et idéal chrétien resplendissent à l'écran sur le visage du nouveau guide ayant réussi à « transformer le socialisme en progressisme »...
Voici le champion de Rothschild et des salaires en miettes, le preux chevalier des autocars concurrençant le rail et du travail le dimanche (avant celui des femmes et des enfants la nuit). L'heure des « réformes salutaires » a donc sonné. La « question sociale » signifie adaptation aux normes de la Troïka. Cela s'appelle « réenchanter la mondialisation »... Ce qui ne peut se faire sans « guerre contre tous les conservatismes » (à savoir le coût du travail) ni « fin des privilèges » (des salariés et des chômeurs)...
Par quel pseudologisme le chantage au fascisme d'un autre temps, qui décida de cette élection caricaturale, accréditerait-il un programme au regard duquel était encore timide le néofascisme du marché dénoncé par Pier Paolo Pasolini voici déjà plus de quarante ans ?...
La complicité de ces deux forfaitures présentées comme antagoniques, de n'être pas révélée, secrète un poison mental frappant le psychisme collectif de schizonoïa. Celle-ci a pour symptômes trompeuses ruptures et transgressions mensongères ; consensus et fusions hallucinatoires.
Où la santé mentale requiert de discerner les clivages, on mélange. Où elle exige d'unir, on discrimine. Pas de Différence ni de Relation. Fatalité d'une régression anthropologique...
Un effacement des antagonismes réels dans leur amalgame fallacieux s'aggrave de schizes illusoires, dans une destruction de toute claire appréciation des contradictions comme des nécessaires médiations...
C'est pourquoi j'adhère au récent manifeste signé par Christine Taubira et quelques autres, contre un « face-à-face entre la dérégulation et ceux qui misent sur la démagogie pour renverser la table »...
Un tel appel, par l'ébauche de vision dialectique dont il fait preuve, peut converger avec la dynamique du mouvement de Jean-Luc Mélenchon, véritable leader contemporain du Parti communiste européen...
(« Tout est dit, tout est clair et basé sur un principe simple », croit bon de prétendre le sénateur Pierre Laurent, dans sa querelle avec La France insoumise ayant pour principal enjeu des sièges. C'est tout le problème des Assis. Mais en réalité rien n'est dit, rien n'est clair, et tout est d'une complexité telle qu'il ne peut pas ne pas s'en aviser sans se moquer.)
Si certains mots ont encore un sens, les ombres de cette ombre ayant perdu son homme nommée François Hollande, pourront-elles toujours usurper le nom du Colonel Fabien ?
Anatole ATLAS, le 12 mai 2017
* Exemple des plus flagrants : l'exclusion du paysage littéraire, pour ce qui concerne le rapport au monde islamique, du Fou d'Elsa d'Aragon, et la promotion corollaire d'un grossier sous-produit comme Soumission...
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