VŒUX
Karl Marx voyait le capitalisme comme
un monde marchant sur sa tête. Comment une telle figure est-elle encore
possible si ce monde a perdu la tête, à moins qu'il ne marche sur une tête qui
a perdu son monde ? Pour sans tête qu'il soit, le monde n'a de cesse de
dévorer toute forme de tête sans monde, laquelle n'en finit pas de
concevoir un autre monde - qui ne serait plus dépourvu de tête.
Un monde sans tête vaut-il mieux qu'une
tête sans monde ? Avoir une tête en ce monde est-il davantage autorisé
qu'avoir un monde en tête ?
Autant de questions à l'interdiction
desquelles conspirent machine à décerveler & pompe à Phynance...
Que peut d'autre commanditer celle-ci
qu'industries de l'insignifiant ? Qui d'autre peut servir celle-là que maîtres
du néant ?
Que crée d'autre un monde sans tête que
fantasmes de synthèse programmés par ses prothèses, quand une tête sans monde
peut inventer des mondes à vous faire perdre la tête, voire imaginer un
renversement du monde inversé !
Car peut-on appeler tête cela qui gouverne et cela qui
produit les actuelles représentations du monde ? Noblesse financière et clergé
médiatique, d'avoir soumis à leur joug féodal toutes les instances esthétiques,
éthiques et politiques du monde, peuvent-ils nous faire croire qu'ils sont
guidés par une quelconque pensée ?
Peut-on appeler monde cela qui n'oppose plus à l'art et
à la littérature que les formes brutales et sournoises de la censure ?
Guernica fait toujours scandale ; occultées sont les
œuvres-monde. Sous les Houellebecq, Vargas Llosa, d'Ormesson, qui peut savoir
que les trois plus importants romans du dernier demi-siècle sont Le Fou d'Elsa d'Aragon, La Consagracion de la primavera d'Alejo
Carpentier et Biblique des derniers gestes
de Patrick Chamoiseau ? Comment quand où le dire, se faire entendre ?
J'ai pris la liberté, dans un voyage au
long cours, de tracer une cosmythologie donnant à voir le combat d'un aède
ayant en tête un monde contre ce monde sans tête. Cet aède cosmythographe porte
nom d'un titan connu pour porter le monde. Nombreuses - vous dit-il en guise de
vœux - puissent être les têtes à créer un monde qui ne marcherait plus sur la
tête, où machines et pompes ne dévoreraient plus les têtes sans monde !
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