AJIACO
Unité de lieu : la Terre.
Unité de temps : l’Histoire.
Unité d’action : le meurtre de l’aède.
Quelle
vision du monde persiste-t-elle au fond des yeux d’un noyé, si celui-ci porte
le nom d’Atlas ? Quelle divine comédie humaine, s’il est un aède grec
ayant traversé le XXe siècle ?
Une
simple histoire peut-elle embrasser l’histoire humaine ? Un livre
d’aujourd’hui poursuivre le récit des livres anciens ?
Le
16 juin 2004 (centenaire du Bloomsday, ce jour mythique évoqué dans l’Ulysse
de Joyce), Anatole Atlas est abattu sur le bord du canal de Bruxelles. Ses
rêves sont lestés de la mémoire de celui qui tira les coups de feu depuis le
sommet de la tour Panoptic : Juan-Luis de Loyola, fêtant lui-même le
cinquantenaire de sa naissance à Santiago de Cuba.
Quel
pacte se noua-t-il alors, dans la baie de Baracoa (première vision du Nouveau
Monde par Colomb), qui décida du sort de la planète au cours du dernier
demi-siècle ? Pourquoi le jour ne se lève-t-il pas après la nuit du
crime ?
Pour
quelle raison cette épidémie d’absences dans la capitale d’Europe ? Et
quel rôle, à travers les âges, fut-il celui d’Eva, mère de Loyola, qui entraîna
jadis Atlas dans un voyage des Cyclades aux Caraïbes ? Est-il permis de
taire la parole d’un Jaguëy – figuier tropical – témoin privilégié de cette
histoire depuis cinq cents ans, d’une rive à l’autre de l’Atlantique ?
Homère
et Joyce en personne, délégués en observateurs du royaumes des Ombres, ne
seront pas de trop pour mener une enquête oraculaire obligeant à scruter les
racines d’une civilisation.
Si
l’on accepte l’idée d’Aragon selon laquelle « le roman commence où la
règle est bafouée, la loi hors jeu », l’aède Atlas recueille ici l’écho
posthume de son propre mythe pour en offrir matière au plus ambitieux roman
contemporain.
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