L’assassinat du vieil Hamlet ne cesse de s’accomplir.
Son spectre lui-même n’a plus droit de cité dans la république des fistons de Tonton. Mais nous avons pris part au crime et à la curée.
Transformer le monde ! Changer la vie ! Libérer la pensée de toute influence
autoritaire – la raison contre la foi – supposait une autorité supérieure qui
légitimât cette liberté nouvelle. Ce qui s’appelait encore « la
gauche » négligea de questionner un tel paradoxe. Mais le déploiement
financier de Kapitotal ne rendait-il pas chacun complice de la tour
Panoptic ? Celle-ci ne retentit-elle pas de rumeurs selon lesquelles ce
monde occidental se caractériserait par la prééminence de l’esprit des
Lumières, c’est-à-dire par un usage éclairé de la raison, n’allant pas sans
exercice de facultés critiques ? Or, le moindre usage de cette raison
n’obligerait-il pas à constater que l’histoire universelle n’est tissée que de luttes
brutales pour s’approprier pouvoirs et richesses matérielles en tout
genre ? Il devrait s’ensuivre que les principaux intellectuels contemporains,
sur cette base, engagent leur jugement critique pour dénoncer la manière dont
aujourd’hui cette histoire continue ses ravages. Tout au contraire ! L’histoire
passée n’est pas d’une même étoffe que celle que nous vivons. De nos jours,
l’énergie des puissances conquérantes serait mobilisée par un altruisme
émancipateur, sans autre objectif que de secourir les peuples infortunés contre
leurs tortionnaires au nom d’idéaux humanitaires. La géniale astuce des
nouvelles croisades, l’indéniable supériorité des artifices dont les ont
gratifiées leurs scénaristes, réside en une expertise dans l’exportation
mondiale, par les bombes, du meurtre d’Hamlet. L’espace du ciel sanctuarisé
grâce aux supériorités de la technique, plus aucune communauté n’est supposée
sacrifier à d’autres tyrans qu’au Veau d’Or et aux idoles de la Grande Surface.
Ne sois pas excessive, mon ange, il y a toujours des valeurs…
Voici donc les chefs d’Etat d’un Occident plus que
jamais dominé par l’hybris de sa cupidité prédatrice, octroyant des consignes
de bonne conduite à un Congo saigné par une dette publique atteignant le double
de son budget. N’avait-on pas fabriqué de toute pièce et soutenu sans
discontinuer la dictature sanguinaire à l’origine d’une telle dette, laquelle
repose dans les coffres d’un continent qui pour cette raison même vient d’être
récompensé par le prix Nobel de la Paix ? Car tel est le monde juste,
raisonnable et pacifique du Nouvel Ordre Edénique ! Une révolution y a eu
lieu depuis vingt ans, sans nous en avertir. Un programme de paix et d’amitié
entre les peuples propre au communisme, subrepticement fut décrété celui du
capitalisme. Que s’est-il donc passé pour que s’inverse ainsi le sens des mots,
sinon l’usurpation par le positif de son négatif historique, en même temps que
le pouvoir devenait partout sa propre opposition, dans un dispositif totalitaire ne souffrant plus la moindre contestation.
(Favoriser le loup dans l’intérêt de l’agneau,
confier au renard la protection du poulailler, renforcer la présence des
rapaces afin de surveiller la basse-cour : contrats fondant une
social-démocratie libertaire civilisée. N’oublions pas ce que basses-cours,
volailles et mouton DOIVENT au rapace, au renard et au loup. Ceux-ci, dans la
grande compétition de la nature, n’exercent-ils pas à l’égard de ceux-là
responsabilité transcendante ? Ne sont-ils pas doués d’une omnipotence,
d’une omnivoyance, d’une omniscience nécessaires à la survie de leurs obligés ?
Supériorité comparable à celle de chefs d’entreprises, dont la vigilance assure
le bien-être général. Parts de marché, taux de croissance, prospérité de la
ferme leur sont imputables, à condition que les moutons se laissent tanner, les
volailles plumer, la basse-cour étriper sans rechigner. C’est aussi cela, le
geste d’Abraham perpétué par Moïse dans la pratique du bouc émissaire chargé de
tous les péchés d’Israël. Ainsi cette nation doit-elle être envisagée comme paradigme
de l’entreprise moderne : une idée dont le monde ne peut se passer. Son
image de marque est la Shoah, dont première attestation biblique fut la défaite
face aux Assyriens. Rien de tel qu’une légende héroïque témoignant de la revanche
prise contre un ennemi maléfique pour fidéliser la clientèle. « Il
arrivera que ton dieu te rendra supérieur à toutes les nations de la
terre » : ce rêve, inspirant toute société multinationale,
différencie les statuts littéraires de personnages fictifs comme Achille et le
prophète Josué. Les colonisations de l’Asie mineure par les Grecs, par les
Juifs de Canaan, ne fondent guère de mythes comparables, si dans les deux cas
prévaut un massacre de l’adversaire. C’est que l’aède Homère assume le point de
vue des vaincus, prêtant sublime visage héroïque à Hector et Andromaque, alors
que le prêtre-scribe en charge du récit biblique favorise exclusivement la
vision des vainqueurs, par leur unique idole décrétés supérieurs à toutes les
nations. Même si le christianisme, par Saül de Tarse – dit Paul – aménage
l’idéologie fondatrice d’une civilisation dans le sens de l’universalité, l’Occident
contemporain peut-il encore se prévaloir de sa source grecque et des traditions
aédiques ayant fécondé sa grande littérature ? C’est la question que pose
l’auteur de ces pages en son gourbi d’Aourir, voulant y faire témoignage d’une
rencontre avec la voix des morts. « Vivre hors la loi des
vainqueurs » nous intime Aragon par son Fou d’Elsa, définissant la
poésie comme une déroute absolue, dans un paysage où « Vous ne
m’entendez pas et c’est moi qui passe pour le sourd ». A défaut de
l’écoute implorée par l’aède, réceptacle d’une immémoriale Allhloucia, comment les contemporains privés de
lumière inouïe ne s’offriraient-ils pas en dupes consentantes à ces mythologies
de pacotille fabriquées par les industries de la tour Panoptic, au service de
Kapitotal ? )
Ce n’est pas un hasard si, ce même
26 octobre de l’Aïd al Kabir, fut lancé sur le marché du show mondial un James
Bond au titre plein d’une gravité métaphysique de circonstance : Skyfall. Ne vient-il
pas d’être révélé que le premier producteur de la série – Harry Saltzman –
était un agent de la CIA spécialisé dans les manœuvres de propagande visant à
gagner l’âme du monde au modèle yankee ? A ce titre, contre De Gaulle, il
diffuse une littérature favorable à l’indépendance de l’Algérie et du Maroc,
dont la radicalité subversive ne s’éloigne guère de celle mise en œuvre par Guy
Debord dans sa revue Potlatch. Crois-tu que lors d’inattendus
soulèvements populaires, les services des puissances y voyant leur intérêt
soient jamais très loin ? C’est dans le contexte de cette guerre de
l’ombre que se croisent les chemins de Harry Saltzman et de Ian Fleming,
créateur de l’agent 007. Celui-ci travaille pour les services britanniques, et
reçoit mission de lester son personnage d’idées baroques et anticonformistes
aptes à magnétiser les foules autour de principes libertaires qui seraient
l’apanage de l’Occident, contre la rigide orthodoxie du camp soviétique. James
Bond est l’incontestable héros d’une civilisation. Dans tous les domaines de la
fiction narrative, il domine l’ensemble des créatures fabuleuses engendrées par
la culture judéo-chrétienne depuis 50 ans. La littérature et les autres arts
d’une époque s’inclinent devant ce champion de ses valeurs spirituelles et
intellectuelles, dont il est la plus géniale incarnation mythique. Sans la
moindre exception tout ce qui se vend en librairie, se consomme à l’écran,
s’exhibe sur les plateaux télévisés, dicte l’opinion du monde libre – fait
allégeance à cette idole fantasmatique. L’initiale de « Joker »
et l’anagramme de « bas monde » sont donc l’anagramme de James
Bond. La suprématie d’un tel agent secret sur l’inconscient d’une
société n’influence-t-elle pas toute son architecture symbolique ? Si les
instances mentales, jadis en surplomb dans l’ordre des représentations, tombent
sous la férule d’un 007, ne s’opère-t-il pas un basculement des
hiérarchies ? C’est ainsi que nous avons vu se vider les degrés supérieurs
de la pyramide sociale et condamner son septième ciel. Qui y tenait la plume et
maniait le verbe avec présomption de sagesse et d’intelligence, désormais verbalise. Comme des agents...
Quelles autres chambres obscures que celles requises
pour les captifs de James Bond sont-elles dès lors nécessaires à la réclusion
des cerveaux pour leur faire consommer, dans les décors d’une Afrique expurgée
de ses habitants comme de ses résistants réels, des scénarios déguisant une
guerre d’influence entre ces bandes rivales que sont les multinationales, en
juste combat mené par les héros de l’Histoire contre « groupes
terroristes » et « réseaux islamistes », quand bien même chacun
sait les pires d’entre ceux-ci financés par nos amis du Qatar et de l’Arabie
saoudite – qui n’ont de plus urgente tâche que d’y interdire le théâtre ?
Jouer gagnant sur deux tableaux :
principe de la politique bourgeoise. Jouir de l’idée d’une culture, l’empêcher
dans les faits : l’une et l’autre attitudes font profit. Consacrer des
budgets à l’Alliance française où les enfants ne vont pas à l’école :
profits des deux côtés. Comme, il y a cent ans, les cartels de la finance
européenne décidaient de la guerre et de la paix; comme leurs agents
manipulaient alors le terrorisme anarchiste pour faire diversion des menées
militaires (ce que montre Aragon dans Les Cloches de Bâle) ; les
tentacules mondialisés misent encore sur l’un et l’autre en soutenant dictatures et insurrections, toutes à leur solde...
L’ensemble de la réalité falsifiée par cette exclusion
de l’altérité qu’est le point de vue de l’exploité, du dominé, de l’aliéné
social dans son extranéité devenue radicale en étant assumée désormais par les
instances idéologiques du Capital prétendant elles-mêmes représenter toute
opinion critique, dans une colonisation totale de l’espace public (n’y tolérant,
à la marge, que les expressions convenues d’une rébellion non globale et sous
contrôle) ; cette enclosure du monde où il n’est plus de réalité que
factice, et plus de fiction qui ne passe pour le réel (bien au-delà donc de cette
« Société du Spectacle » – nouveau cliché journalistique – dont tu
me rebattais les oreilles il y a quarante ans) : c’est cela que j’appelle pseudocosme !
Tu y vas un peu fort, mais nous ne
te donnons pas tort. Pouvons-nous préciser ton scoop ? Entre bête et
divin l’humanité se déploie, tendue par les pôles du réel et de l’idéal. Ces
pôles étant incompatibles avec le marché capitaliste, la valorisation de toute
chose que celui-ci développe s’organise autour d’une transformation de leur
apparence. Qu’il s’agisse d’un philosophe ou d’un poulet, sa valeur est
fonction des relations qu’entretient ce produit avec l’illusion du réel et de
l’idéal. Apparence vaut substance, même si d’évidence un phraseur bien payé pour
sa pacotille choisira plutôt pour se nourrir une volaille d’élevage fermier, quelque
violent que soit son préjugé contre l’idée de terroir. Un déséquilibre gît donc
au cœur du marché, dans son rapport à la matière et à l’esprit. L’organique ne
peut totalement s’abstraire de l’expérience par les sens, quand le symbolique
autorise toute imposture. Mais il n’est de laboratoire qui ne tende à corriger
ce déséquilibre par des moyens chimiques, voire génétiques. Ne vient-on pas de
créer une viande artificielle à partir de cellules souches ? D’ici peu, nous
n’en doutons pas, sortiront des éprouvettes quelques embryons de penseurs...
Démoniaque est la difficulté, pour une prophétesse, de
penser ce pseudocosme. L’ignorance en est l’oxygène, la fausse conscience
l’hydrogène, et le carbone y entretenant la vie s’assimile à une démence.
Pistolet sur la tempe : tel est le procédé psychologique. Recluse dans une
cellule par les gardiens de la santé mentale chiffrée, l’Europe fonctionne
comme un asile où des médecins de l’âme fous psalmodient leurs mantras :
productivité, rentabilité, compétitivité. Pas un éditorial du kiosque de la place qui n’évoque l’urgence d’un électrochoc...
Nous allons tenter de t’aider, mais
il ne faudra jamais abandonner l’idée d’illusion intrinsèque au marché. Depuis
les septièmes ciels médiatiques jusqu’aux plus vulgaires objets de négoce,
l’industrie de l’ersatz organise un trompe-l’œil généralisé, le principe de
l’acte marchand consistant à duper celui qui vend une matière première aussi
bien que l’acheteur du produit fini. Tout ne serait donc plus que franc-parler
trompeur dans ce ghetto globalisé, si quelque « Mentir-vrai » n’y
réconciliait le réel et l’idéal. C’est bien sûr Aragon qui parle, duquel ton
écrivain belge a capté l’hypothèse d’une approche de la vérité par le moyen du mythe...
Si les oligarques de cette clinique imposent à leurs
patients l’idée selon laquelle nécroses et asphyxies cérébrales sont de leur
propre responsabilité – l’institution n’ayant eu d’autre choix que de les
saigner à vif pour injecter leurs liquidités sanguines dans une trésorerie
devant être placée sous perfusion, faute de quoi la faillite – tout
questionnement de cette analyse entraîne un diagnostic médical plus sévère
encore pour celui qui s’y risque, et des mesures de rigueur accrues dans son
traitement. Car il ne peut oublier la dette qui le lie à l’altruiste soignant.
Comment pourrait-il en être autrement ? Voici quarante ans, lorsque le président
Richard Nixon opère son coup du monde monétaire en décrétant le dollar hors
l’or, il reçoit d’Europe une réponse Delors. Le Vieux continent s’incline
devant le plus brutal acte de banditisme de tous les temps. Nul doute que les
mafias qui complotaient depuis la guerre ce hold-up devant mettre un terme aux
régulations financières décrétées sous Roosevelt, aient attendu la mort de De
Gaulle pour ce faire. Celui-ci vivant, sa réplique immédiate eût été la
création d’une monnaie commune européenne, avec Banque centrale sous strict
contrôle public, dès 1971 ! Non sans relations privilégiées avec l’Union soviétique...
Dès le tournant de ces années, qui
virent son ancien compagnon des Lettres françaises Claude Roy s’extasier dans Le
Nouvel Observateur sur La Société du Spectacle, Aragon met en
question ce nouveau concept à la mode, lui qui vingt ans plus tôt vitupérait
déjà le « Spectacle » dans son Roman inachevé ; lui que
venaient d’insulter sur un trottoir de Paris, lors des échauffourées de Mai 68, Cohn-Bendit et les Enragés de Nanterre...
Voilà pourquoi la jungle du capitalisme, où prévalait
la loi de l’aigle et du loup pour l’homme, a dicté celle des vautours et des
chacals. Quand rapaces et fauves du Capital se repaissaient jadis de chair vive
à hauteur de mille milliards $, c’est plusieurs millions de milliards $ que se disputent aujourd’hui les charognards.
Voulez-vous un marché porteur ?
Le secteur du luxe Made in Africa. Celle-ci n’a-t-elle pas une croissance
moyenne de 4,5 % ? Ne voit-elle pas l’émergence d’une élite aux goûts en
pleine mutation ? Laissez-vous donc tenter par le thé aux copeaux d’or du
Malawi ! Tout ce bavardage dont regorgent les magazines était inconcevable
avant l’ère du pseudocosme, indissociable d’un situationnisme promotionné
vulgate officielle. Ce que l’idéologie de la bourgeoisie néocapitaliste nomma
« postmodernisme », n’était que négation des postulats de la
modernité depuis l’humanisme de la Renaissance. Un personnel consensuellement
« de gauche » offrait à « la droite » ce à quoi celle-ci
n’osait plus se risquer, sur un terrain miné depuis la guerre par
« l’extrême-droite » : une doctrine contre-révolutionnaire sous les auspices de Nietzsche, Heidegger et Debord...
Il s’ensuivait la nécessité d’un traitement psychique
adéquat des populations, qui devaient jusqu’à oublier l’idée de pensée
critique. Le soin de leur santé mentale ne requérait pas moins qu’une tour
Panoptic pour garantir les aises de Kapitotal. Ainsi celui-ci peut-il parler
d’autocontrôle sans sanction, d’absence de dogmes et de tabous, de capitalisme
libertaire – Alain Minc parlant d’une même voix que Michel Onfray, si ce n’est
celle de Jacques Attali. Bernard-Henri Lévy surenchérira sur Philippe Sollers
dans la dénonciation de l’islam comme ennemi principal, religion « la plus con » selon l’avis définitif de Michel Houellebecq...
C’est la notion de « haqiqa », propre au monde arabe, conciliant réel...
Tout cela s’étale chaque semaine, par pleines pages de
magazines, au titre de l’intelligentsia française. En sorte qu’on ne
s’avise trop du fait qu’à l’autre pôle, celui de la force de travail, il n’est
question que de rigueur des salaires sous ordre autoritaire, d’orthodoxie budgétaire et d’une discipline monétaire de fer.
... et idéal, ou vérité et réalité – même en théorie – qui est inacceptable !
Cette systématique du double langage divise la réalité
sociale selon l’axe de symétrie séparant les éléments constitutifs d’une
irréductible contradiction : travail mort / travail vivant. Lesquels
s’opposent de manière binaire en épousant la vieille dualité : Nécessité / Contingence. Ou : les Elus contre les Damnés.
Tout cela tourne en rond dans une
parfaite circularité conceptuelle, épousant la circulation des marchandises dans la Grande Surface.
Sans plus aucune des médiations inventées par l’idéal
chrétien, restaurées par la dialectique hégélienne et dont l’idée fut trop peu
approfondie par Karl Marx. Même si celui-ci continue d’incarner, dans la
symbolique occidentale, une figure d’archétype humain se rapprochant le plus du
Dieu le Père de Michel-Ange, tout lien avec son Fils est rompu. Ce n’est pas un
hasard si l’ouvrage fondateur de la « troisième voie » propre au néocapitalisme avait pour titre : Ni Marx ni Jésus.
Depuis lors, plus d’espace politique autre que droite et extrême-droite...
Je te laisse le soin d’enregistrer les va-et-vient de
ma pensée qui feront voyager tes neurones comme autant d’étoiles dans le cosmos
de ton crâne. Ne se joue-t-il pas, dans notre cerveau, la même activité que
celle des photons dans l’univers depuis le Big Bang ? Ce qui devrait
t’inciter à quelque interrogation sur l’être humain dans son rapport, non
seulement aux singes, mais aux formes animales primaires comme l’hydre de mer.
Qu’est-ce qui nous en différencie ? Cette vie élémentaire peut se
reproduire en parties identiques si on la sectionne. Elle n’a pas autre
mémoire. L’évolution biologique ultérieure favorise le développement d’un
système nerveux central permanent durant toute l’existence, au détriment des
capacités de régénération. C’est une perte et un avantage : la mémoire autobiographique
transmissible perdure au-delà de la mort d’un individu pour se prolonger dans
la descendance grâce à l’information du système nerveux central. Il y a
continuité de ce progrès animal jusqu’au chimpanzé. Puis rupture. Pour une
infime variation génétique avec le singe ont lieu trente millions de mutations
qui nous en différencient : la nature de l’homme est sa rupture avec la
nature par la culture. Processus évolutif accompli sur d’innombrables âges,
menacé par une régression culturelle dont témoigne le show de la place Jamaâ al Fna.
Peut-être la captation de nos signes requiert-elle mutation de l’espèce ?
Dans l’attente interminable d’un hélicoptère cadencée
par des pulsations sonores primaires qui ne sont pas information musicale née
de la mémoire et transmise au futur par la médiation de l’art, mais
reproduction machinale de l’identique sur un mode binaire comparable au travail
de l’hydre de mer, je me suis écroulée sur un tapis de prière gentiment prêté
par le kiosquier. Mon corps subtil ne m’a pas pour autant abandonnée, qui
poursuit les préparatifs de son spectacle au cœur de l’océan. Mais il ne faudrait pas que tu perdes le fil de ces didascalies.
Qui sait si ce Théâtre de l’Atlantide sera reçu par quelque humanoïde ?
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