Qui fait quoi avec l’alphabet ?

Quelqu'un parle depuis cinq secondes et c’est déjà trop ; depuis cinq millénaires et c’est encore trop peu. Sa phrase va son cours narrant une histoire à travers l’Histoire, et c’est la raison pour laquelle elle n’existe pas plus que son auteur. Comment pourrait avoir droit de cité la conclusion d'un périple de cinquante siècles ?  Gilgamesh n’a-t-il pas montré, dans Axiome de la Sphère, combien la domination de la Valeur exige une soumission de la Parole ? D’où l’actuelle obéissance des lettres aux logiques du chiffre...

Cent cinquante-sept milliards six cents quatre-vingt millions...
C’est le nombre de pas nuit et jour accomplis sans repos par Gilgamesh – à raison d’une enjambée chaque seconde – en son périple de 5000 ans…
Si ses pas sont d’un mètre en moyenne, le trajet parcouru dépasse l’unité astronomique, soit la distance moyenne séparant notre globe du soleil : 150 millions de kilomètres. Si chacun de ces pas lui avait fait gagner un dollar, son pécule serait encore inférieur à celui des gamins psychopathes aujourd’hui promus au statut de managers du patrimoine de l’humanité…

Cette farce coalisant Silicon Valley, Wall Street, Pentagone, Hollywood et Big Pharma dicte un programme cybernétique auquel obéissent tous les dirigeants politiques du marché libre et démocratique…

Un certain Elon Musk (dont la fortune dépasse l’unité astronomique de 150 milliards, vers laquelle affluent les plus grandes masses de capitaux pour éjaculer ses gadgets vers la planète Mars) aurait-il été portraituré sous forme d’un mendiant ridiculisé par le héros de la première épopée : cette scène d’Axiome de la Sphère ne pouvait avoir droit de publicité…

Pour couvrir un million de publications annuelles, subsiste une émission littéraire à la télévision française. À peu d’intervalle, elle consacra deux soirées spéciales aux membres d’un couple héroïque de la littérature – si Élisabeth et Robert Badinter sont bien les plus pittoresques personnages de ce roman dont je fus le scribe, où ils emmènent Gilgamesh dans une carriole de saltimbanques tirée par l’âne en qui s’est réincarné Tonton : circonstances aggravantes pour Axiome de la Sphère...

Le couple Badinter n’y fait-il pas l’aveu des ressorts cachés qui assurent l’axe Washington-Jérusalem-Riyad ? Élisabeth ne révèle-t-elle pas que la firme Publicis, dont elle est l’actionnaire majoritaire à hauteur de plus d’un milliard, gère l’image publique de l’Arabie saoudite ? Ces deux sommités ne se dépouillent-elles pas, dans un livre inexistant, des oripeaux spirituels et intellectuels dont elles sont travesties sur les plateaux télévisés ?…

L’inégalable escroquerie du mitterrandisme n’eut pas de meilleur avocat que Robert : il méritait une occasion de vanter cette supercherie littéraire que demeure L’Étranger de Camus. Mais son devoir de simulacre ne l’autorisait guère à faire part des confessions livrées dans Axiome de la Sphère, où se divulguent les relations du couple avec Elon Musk. Toute son autorité morale n’est pas superflue pour cautionner les duperies d’un Nouvel Ordre Édénique offrant comme avenir la colonisation du système solaire et le fantasme d’excursions touristiques interplanétaires…

Car Elon Musk est un rejeton du ménage à trois constitué en leur temps par Mitterrand, Reagan et Thatcher. Tel est le point de vue que permet un recul de cinq millénaires. Vision globale de Gilgamesh non moins que de mon grand-père, cet aède grec lesté d’une mémoire homérique…

En sa langue cet exercice avait pour nom Θεώρημα : cela qui est interdit par Kapitotal et la tour Panoptic, accouplés pour produire un Empire Digital Electronique et Numérique, fleuron du Nouvel Ordre Édénique.

Anatole Atlas, 11 mars 2021

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