Les Larbins du Parrain
« Bourreau de Podolie Amant Des plaies des ulcères des croûtes Tes richesses garde-les toutes Pour payer tes médicaments »
Ces vers de la Chanson du Mal-Aimé d’Apollinaire concluent la Réponse des Cosaques Zaporogues au Sultan de Constantinople :
elles viennent d’être adressées par mon frère Prométhée, depuis son pic du Caucase, au chef actuel de la Turquie comme à tous les dirigeants du monde libre.
Au premier rang desquels un certain comte Davignon, président d’honneur – aux côtés d’Henry Kissinger – du très discret groupe de Bilderberg,
présenté dans Axiome de la Sphère comme le Parrain de la Belgique…
L’humour est inexpiable crime ayant valu aux Titans condamnation par l’Olympe. Sur lui se fonde notre fraternité face à la tyrannie.
Prométhée, dérobant aux dieux le feu sacré pour en éclairer l’humanité, se rit des foudres de guerre brandis par Mars et Jupiter.
Un jour viendrait (savait-il depuis son bannissement) du couvre-feu planétaire, qui verrait les agents de l’Olympe mendier le feu sacré.
Ce jour tragi-comique est arrivé…
Libérer l’avenir de ce qui le défigure (ainsi que le recommandait Walter Benjamin) présupposerait un gigantesque éclat de rire des écrivains
face à l’opération « Red Team » lancée par le ministère français de la Guerre,
consistant à recruter un bataillon de plumitifs susceptibles de moderniser le vieux logiciel des Armées.
Ce n’est pas plus une plaisanterie que la décision d’incorporer les 5.000 écrivains recensés en francophonie belge
(instruits par une singulière expérience de pays colonisateur et colonisé) dans un nouveau think tank de l’Alliance atlantique…
L’adjudant-chef des feuilles littéraires du journal Le Soir de Bruxelles s’en extasie
sur une pleine page :
aux ordres de César devrait obéir Césaire.
Toute ma vie j’ai croisé le képi de cet adjudant, gratifié de nos jours par Jupiter des galons d’un colonel ou d’un général.
Sur le modèle du caporal Mobutu devenu maréchal, pourrait nous dire en connaissance de cause le Parrain de la Belgique.
Celui-ci n’a-t-il pas l’œil et la main sur des légions de larbins ?...
Naguère limité dans ses entreprises par une hiérarchie des compétences, l’adjudant tira profit d’un anéantissement des anciens niveaux supérieurs de la culture,
pour assurer sa promotion graduelle à tous les postes officiels du pouvoir. On pourrait le comparer au DJ, tâcheron devenu star de la musique.
Mais qu’en est-il encore du destin stellaire de la Parole ?
Ne voit-on pas ici la véritable pandémie de notre temps, qui d’avoir traqué tel un virus le pharmakeus,
porteur de ce remède-poison qu’était le pharmakon, fait d’une pharmacopée vaccinatoire le pire fétiche marchand de tous les temps ?...
Cette ère secouée de spasmes fut qualifiée de convulsive par un auteur belge
n’existant pas plus que son appel à une convulsivité supérieure de l’esprit.
Pourquoi s’étonner de voir les armées s’emparer des cerveaux ?
N’ayant aucune place en l’enclos dans lequel sont rangés les régiments des 5.000 écrivains belges
(de savants algorithmes en prévoient 500.000 pour ce siècle, quand en connaître 5 du XIXe relèverait de l’impossible exploit
pour la majorité de nos concitoyens, qui n’ont pas lu Thijl Ulenspiegel),
j’ai toute liberté pour définir Kapitotal comme un attentat terroriste permanent, sans cesse travesti par les agents de la tour Panoptic…
Humble scribe des errances de Gilgamesh, il me fut accordé loisir de consigner sa vision de l’histoire – non dépourvue de quelque recul –
ainsi qu’une suite ininterrompue de mystifications des populations.
Selon le héros de la première épopée littéraire – tel qu’il s’exprime dans Axiome de la Sphère –
Kapitotal met en œuvre de telles manipulations que celles-ci requièrent une apologétique sans précédent,
chargée d’invalider toute pensée critique pour complotisme, grâce aux armées et clergés de la tour Panoptic.
Intégrer les autorités ecclésiastiques à l’État-major militaire : voici la nouveauté !
Si les services de la propagande lancent une opération publicitaire consistant à faire « lire du belge »,
tous les bibelots de l’industrie livresque rivaliseront d’inanité sonore afin que nul n’entende une voix vieille d’autant d’années qu’il y a d’écrivains…
Jacques De Decker, un jour qu’il était en veine de confidences, m’avait révélé son appartenance au Club de la Demi-Pinte,
société secrète ayant ses habitudes au Cercle Gaulois. Pourquoi me léguer un héritage aussi délicat, sinon pour que j’en témoigne ?
Dans l’un de ses mails, il confiait avec ironie n’avoir trouvé nulle allusion à Lumumba dans les Mémoires du Parrain de la Belgique,
bras droit de Spaak en cette année 1961 qui vit aussi l’assassinat du Secrétaire général de l’ONU Dag Hammarskjöld,
l’une et l’autre morts étant reliées par les intérêts miniers du Katanga…
Quoi d’autre qu’une course à l’or et aux esclaves détermina les valeurs du monde occidental et oriente ses bio-nano-techno-pseudologies ?
Quel rapport avec le Club de la Demi-Pinte ?
Le comte Davignon qui l’y avait intronisé, comme en était membre Yvon Toussaint, directeur et rédacteur en chef du journal Le Soir de Bruxelles.
Comment croire que Jacques et Yvon aient pu être les larbins du Parrain de la Belgique ? Ce sont les temps qui ont changé. Désormais règnent les adjudants.
Celui qui gère aujourd’hui les feuilles littéraires de la gazette belge de référence,
et célèbre avec enthousiasme l’opération Red Team, obéit-il aux ordres du Parrain quand il s’obstine à rendre invisible et inaudible Gilgamesh ?...
Qui aurait un sens aigu du ridicule ici se tairait.
Mais l’absence de toute résistance à l’embrigadement, par l’Alliance atlantique, des anciens détenteurs du feu sacré
(dont seules des cendres froides serviront au foyer de l’Olympe) oblige l’Atlante à injecter son pharmakon en cette socialité vérolée.
Qui d’autre est-il, en effet, qu’une instance fictive autorisant à faire surgir toute une littérature de l’Œil imaginal ?
Voilà ce que doit occulter l’adjudant…
Jacques a donc fait de l'Atlante son médium pour en appeler au dépassement de tous les cercles par la Sphère.
Ne l’enjoint-il pas d’accorder quelque consolation de leur misère au Parrain et à ses larbins ?
Donnons-leur le sentiment d’avoir tout de même réussi quelque chose dans la vie : l’accès, par ces lignes, à la postérité !
Anatole Atlas, le 22 décembre 2020
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