Vox clamantis in deserto
La Troïka règne sur Paris
triomphe de la schizonoïa
Voix clamant seule dans le désert mental d'une Belgique irradiée par l'uranium de ses forêts coloniales, je me ravitaille chez les morts en vivres spirituels. Elsa Triolet, ce 8 mai, fait donc de moi son medium pour, contre tous les médias, signaler qu'en ce Dien Pobedi (jour de la victoire), commémorant celle de l'Union soviétique sur le nazisme, s'il fallait ne lire qu'une page d'Amen dictée par les morts ce serait, à ses yeux d'outre-mirages, la p. 186...
Pour les mémoires défaillantes en raison des brouillards électroniques, elle ajoute que deux citations sont tirées de l'épilogue, ajouté par Brecht au lendemain de la Seconde guerre mondiale, de sa pièce La Résistible ascension d'Arturo Ui...

Comme le divulgue Amen, le moindre ordinateur de la tour Panoptic était capable de concevoir les dernières stratégies électorales profitables à Kapitotal sur l'une et l'autre rives de l'Atlantique...
Selon des modalités différentes pour la France et l'Amérique, il s'agissait pour ce logiciel d'escamoter la spécificité même de l'humanité – le LOGOS (toute parole porteuse, en société civilisée, d'une véritable conflictualité démocratique), en faisant éliminer Sanders et Mélenchon grâce aux plus rusés stratagèmes idéologiques...
La Troïka règne donc sur Paris. Cette chimère à trois têtes (FMI, BCE, Com. eur.) trône à l'Elysée grâce à d'habiles simulacres n'ayant offert le choix qu'entre deux masques de théâtre. Ancien Régime contre Ancien Régime, Versailles contre Versailles, Collaboration contre Collaboration, Réaction contre Réaction : chacun feignit d'incarner Progrès, Révolution, Commune, Résistance, faisant atteindre au délire schizonoïaque un degré pathologique sans précédent. Dans une commune forclusion du Spectre qui, depuis le Manifeste signé par Karl Marx à Bruxelles en 1848, ne cesse de hanter l'Europe et le monde...
" Gauche " et " droite " officielles, grâce à cette imposture orchestrée par la tour Panoptic, scellent ainsi l'Union sacrée de Kapitotal. Un sparring-partnership efficace de l'extrême-droite leur a permis de fêter ce coup d'Etat électoral promis à rester dans la mémoire de l'Histoire comme le Dix-Huit Brumaire d'Emmanuel Bonaparte...
Aux frontons de la République se grave la nouvelle devise : Rentabilité, Productivité, Compétitivité. La régression anthropologique va s'accélérer, par un esclavage renforcé sous le Reich des marchés financiers...
Mais la Parole – conclut Elsa au nom de tous les morts – intéresse-t-elle encore de tels vivants ?
Anatole ATLAS, le 8 mai 2017
|
Anatole Atlas
Amen

Page 186
« Kapitotal is good for you !... No panic with Panoptic !...
Kapitotal est grand et la tour Panoptic est son prophète !... »
Feux des projecteurs sur la rive opposée, roulement des tambours, sonnerie des
cuivres en fanfare, dans un tourbillon de blanches colombes et de chouettes
noires au-dessus de Washington, pour le discours d’investiture de Killer Donald
sur les marches du Capitole : « Grâce à Dieu, de part et
d’autre de l’Atlantique Rothschild et Goldman Sachs rendront enfin le pouvoir
au peuple !... » Parmi les invités d’honneur, le Premier
ministre belge Charles Michel et mon vieux pote Richard quittent leur place
pour se diriger vers le centre de la scène, que survole un gigantesque oiseau
rouge aux ailes déployées. « Vous, apprenez à voir plutôt que de
rester les yeux ronds. Agissez au lieu de bavarder. Voilà ce qui aurait pour un
peu dominé le monde ! », éructe Charles Michel d’un air
canaille. « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête
immonde ! » surenchérit l’ami d’il y a quarante ans. Toutes
les lumières s’éteignent, sauf un spot éclairant l’Homme-Oiseau qui se pose sur
le fleuve au pied de la Maison Blanche et, par l’esprit, se métamorphose en
longue pirogue où se dresse une femme noire sans âge. A mes côtés, Thyl
Ulenspiegel et le commissaire Maigret traversent la fenêtre. Avec une souplesse
d’acrobate pour l’un, de manière balourde pour l’autre, ils franchissent
l’espace puis se hissent à bord de la pirogue. Paupières closes, la femme noire
sans âge psalmodie d’une voix douce : « Par ma parole chante le
premier homme depuis les Monts de la Lune, où prennent source le Nil et le
fleuve Congo. Gigantesque est le barrage que je vois dans vos têtes, où le
cycle de l’eau ne coule plus de la source au rivage, ni ne remonte plus à la
source par les nuages. Monstrueux, le barrage qui détourne le cours de
l’histoire. Je vois un jeu de chiffres qui réduit en esclavage le jeu des
lettres, empêchant toute lecture du monde. Aussi j’ai choisi pour compagnons de
voyage deux très hautes figures de la littérature dont le regard englobe 5
siècles dans mon pays d’adoption. Nul, en la capitale de l’Europe, ne peut
mieux éclairer qu’eux ce monde où chacun se trouve étranger à soi, donc aux
autres, et nourrit une telle allophobie que l’angoisse d’identité produit des
murs dans chaque tête. Revoici donc Nuit et Brouillard de sinistre mémoire. Tu
le signalais voici dix ans dans Nacht und Nebel, lors d’une intervention
à la Ulenspiegel. Puissent Thyl et Jules être les exotes qui m’aideront à vous
révéler la véritable histoire de Charles Michel en cette nuit transfigurée. Amen. »
Extrait d’Amen par Anatole Atlas, éditions
Miroir Sphérique 2017.
Suite
Ce 1er Mai, la gazette belge de référence affiche en vitrine un ramassis de mots signé par tel ministre libéral, crachotant à propos de cette fête que son parti seul est légitime à se réclamer de la pensée de Marx...
Une si plaisante anecdote fait s'esclaffer côte à côte en leurs tombes à Berlin le vieil Hegel et Brecht, rédigeant de concert leur Phénoménologie de l'absence d'esprit tout en analysant le nouveau logiciel de la Bête... Les propriétaires de la force de travail ne sont-ils pas les mieux habilités pour éclairer la marchandise humaine sur les voies de l'émancipation, pourvu qu'elle pense et rêve selon les vœux d'Emmanuel Macron ?...

La voix de Claire Lejeune fut l'une des seules qui aient osé revendiquer le principe de l'analogie comme consubstantiel au psychisme humain. Cette faculté permet de briser les murailles de MUMMY (Ministères-Universités-Médias), grâce à quoi le paysage mental est sous contrôle des bunkers et miradors de la tour Panoptic. (Ainsi me suis-je autorisé de cette faculté passe-murailles pour analogiser « Amen » et « Amen » – même mot signifiant « eau » dans l'archaïque parler berbère et référant à la foi dans les langues sémitiques.)
Faute qu'ait droit de cité l'analogie règne le paralogisme, indispensable à la prolifération des psychoses contemporaines. Tu ne te soumets pas aux diktats imposés par Goldman Sachs et Rothschild ? Génocidaire !... Une tyrannie financière peut et doit ravager le globe, transformant les dictatures obsolètes en faire-valoir du sinistre total. C'est cela, l'intérêt général conçu par les idéologues de Kapitotal. Quand le paralogisme règne, gouverne la SCHIZONOÏA, dans l'abolition programmée de la logique, de la dialectique et de tout devenir historique.
SPHÉRISME | Schizonoïa | RETOUR
|