Lanterne au seuil du Théorème 3 J'ai fait un immense voyage.
Qui voudra l'entendre, ce récit de l'union d'un homme avec le rythme du cosmos, dans un complet antagonisme avec les lois de la Cité ?
Depuis que ces lois se sont inversées en leur contraire, c'était à des mécréants hors-la-loi comme lui qu'il revenait de restaurer un peu de croyance et de hakika dans une restauration d'ancien régime sans foi ni loi.
Les populations voient-elles s'abattre sur elles un joug intolérable ?
Appellent-elles à l'aide contre la tyrannie ?
Sont-elles menacées dans leur élémentaire droit de conscience et
toute expression qui n'aille pas dans le sens de la monodoxie, de la monesthésie, de la monokinésie régnantes est-elle réprimée par censure militaire ainsi que par bombardement des cerveaux réduits à la bouillie d'organes hors de combat ?
L'aède vient de décrire la situation qui prévaut partout dans le monde libre et démocratique, où rien ne modère la dictature des marchés financiers.
Leurs principaux gendarmes usent-ils moins d'armes lourdes matérielles que symboliques ?
Le despotisme en consolide un pouvoir absolu ne rencontrant plus d'autre opposition que celle assurée par son propre ministère de la Propagande.
Coup d'oeil au kiosque : partout même pseudologie.
D'où cette situation singulière : jamais les moyens de manipulation et de mystification de la mémoire de masse n'ont autant saturé l'espace public de bavardages en faveur de cette fiction qu'ils appellent démocratie,
quand jamais plus solitaire ne fut l'aède pour nommer la tyrannie. Celle d'une valorisation marchande pour laquelle Qadafi (c'est son véritable crime) est un barbare primitif aux yeux des chrèmatopithèques.
Voici donc la civilisation occidentale en branle-bas de combat contre la barbarie orientale.
Mais n'y manquait-il pas un branle-haut de la pensée ? L'Etat-Major idéologique avait cédé à la tentation d'enrôler l'aède pour obéir à la nécessité d'une radicale inversion du réel.
S'il n'était pas de vision globale plus lucide que celle d'Homère pour décrire la sempiternelle guerre de Troie, nulle meilleure occultation qu'une usurpation de son œuvre, étant entendu qu'un tel regard contemporain n'a pas droit de cité.
Qui pouvait dire qu'il manquait à la Grande Surface d'encore conquérir l'espace du désert, symbolique refuge des proscrits de l'Empire et des anachorètes ?
("Lorsque Kadhafi sera renversé pour de bon, une belle part du gâteau sera réservée à la France", ne s'est pas fait prier pour annoncer le "Comité Révolutionnaire de Benghazi.")
Conjointement à la Fédération Internationale de Football pour la prochaine Coupe du Monde, l'Organisation atlantique venait de s'assurer les services du Qatar pour démocratiser la Cyrénaïque et la Tripolitaine.
Quant à l'industrie du show médiatique, elle prenait une option sur trois cent cinquante millions de consommateurs.
Le club des milliardaires du Fouquet's pouvait festoyer.
D'ici peu, Vincent Bolloré ajouterait quelques fleurons à sa panoplie de ports africains, Bouygues relierait d'un réseau d'autoroutes modernes Port-Saïd à Agadir et Le Caire à Tunis, voies rapides agrémentées de stations-services Total et de supermarchés Leclerc.
Comme les firmes se disputeraient l'espace vierge du désert, chaque Desdémone occidentale rêverait d'un caïd en burnous dans son caddy.
Les Iago de maris n'en voteraient que davantage pour dissiper de tels fantasmes. La morsure d'un même serpent serait garantie par les fruits du Sud avalés au Nord, qu'avec les pommes d'Apple avalant le Sud.
La classe politique française pouvait communier avec Napoléon V, partageant le sang du calice à même le crâne de leurs futures victimes :
"Les révolutions arabes ont fait naître une immense espérance dans le cœur de tous ceux qui partagent les valeurs de la démocratie et des droits de l'homme".
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