Ampoule pour élucider le Globe (XI)

SHALOM of MOLOCH

Kapitotal est un rapport social dont le story-telling – excluant toute vision globale – est assuré par la tour Panoptic...

Nimber les multinationales d'une aura démocratique exige de planifier un gigantesque Fake World. Dans ce pseudocosme, la division du monde entre accumulations de richesses à un pôle et de misères à l'autre pôle, peut être déplorée pour ses conséquences, mais jamais analysée dans ses causes. Toute représentation des contradictions intrinsèques au système est bannie par une grande surface culturelle occultant l'envers du décor. Cet écran plat constitué d'images de marques, idées reçues, clichés, poncifs, stéréotypes, lieux communs consommables et jetables est un milieu de prolifération pour les fétiches du marché...

Capture et prise en otage de la littérature dans un numéro de dressage pour le cirque du MOLOCH : à ces exercices excelle BHL. N'est-il pas le pontife de la Multinational's Oligarchic Leaders & Opinioners Church ?

Un livre sans égal signalait cet automne qu'au sommet de cette occulte synarchie siège un synode composé de six prélats, choisis pour leur expertise en l'art de la mystification, groupés sous le nom de SHALOM.

Ce constat ne pouvait bien sûr être ébruité par une presse aux ordres, qui passa sous silence le contenu de cet ouvrage. Le quotidien belge de référence poussa la servilité jusqu'à ne pas mentionner son existence. Et la Commission des Lettres de ce pays, qui prescrit l'achat pour les bibliothèques de toute publication belge, ordonna son élimination des tablettes officielles. Ces vilenies produisirent un effet comique, AJIACO bouclant en beauté la seule œuvre qui assume l'héritage épique de Charles De Coster. Si la valetaille prostituée fit disparaître ce péril, il incombait donc au destin d'en offrir l'éclatante confirmation : cinq des six prélats du MOLOCH acoquinés dans SHALOM ne viennent-ils pas de lancer leurs dernières salves en bombardement groupé ?...

Sollers : « Une conversation infinie »                                 Janvier 2019
Houellebecq : « Sérotonine »                                              Janvier 2019
Attali : « Les Chemins de l'Essentiel »                                Mai 2018
Lévy : « Looping for Europe »                                            Janvier 2019
Onfray : « Sagesse »                                                            Janvier 2019
Minc : « Voyage au centre du système »                             Janvier 2019

La palme de l'outrecuidance revient sans doute à BHL, quand il enrôle dans son manège un florilège de génies littéraires dont l'œuvre entière, d'Homère à Joyce, de Cervantès à Shakespeare, de Dante à Pasolini, désintègre l'infamie de tous les pontifes, ce mystagogue n'en étant que le plus caricatural avatar. Comme ses coreligionnaires, c'est en nombre de pages qu'il chiffre le volume de la propagande publicitaire lui étant assurée sans compter dans Le Soir de Bruxelles...

BHL n'ose toutefois pousser la cuistrerie – qui serait suicidaire – jusqu'à citer Molière. Chaque membre de SHALOM n'incarne-t-il pas Tartufe, de même que Le Bourgeois gentilhomme ? Ce Monsieur Jourdain collectif, prosaïque énonciateur de banalités vendues sous un noble emballage, n'affecte-t-il pas une distinction verbeuse très au-dessus de ses moyens verbaux ? La morgue seigneuriale se conjugue aux vanités sacerdotales quand ensemble elles défendent injustices et mensonges, prétendant édicter le juste et le vrai. L'Adolphe Thiers de nos jours ne se pare-t-il pas du masque de Victor Hugo, pour promouvoir une restauration de l'Empire ? Selon cet aède oublié, s'il fallait célébrer le centenaire de la mort d'un grand nom de l'aventure intellectuelle européenne, ce serait celui de Rosa Luxemburg, assassinée par les puissances économiques et politiques dont BHL est le porte-parole idéologique. Tant la littérature a pour finalité l'invention d'une vision globale du monde, éclairant ses contradictions les plus occultées...

« La déesse Europe est en danger », feint de s'alarmer BHL, comme si nul dans sa clientèle ne savait que le personnage mythologique d'Europe n'est pas une déesse mais une princesse phénicienne, héritière d'une culture ayant inspiré l'Ulysse d'Homère, dont les origines plongent dans la civilisation mésopotamienne où naquit l'Epopée de Gilgamesh, l'une des matrices de la Bible...

Ce dont est frappée d'interdit l'expression correspond au chant et au cri de l'aède à travers les siècles. Plus que jamais l'art du trompe-l’œil est la qualité requise du clergé médiatique, à coups de surenchères dans le bluff pour la promotion d'insignifiances dissimulées sous les artifices de l'excentricité. Contre quoi se poursuit ce que Walter Benjamin appelait une hiérophanie de l'image dialectique.

Anatole Atlas