SPHÉRISME > Cri d'une prophétesse en colère II

 Apparition d'Ophelia au JT du 2 juillet 2011

Oh !  Comme je voudrais que mes paroles fussent écrites,
qu'elles fussent écrites dans un livre !

Job 19, 23-24 

Cri d'une prophétesse en colère II

     Hommage à Nafissatou Diallo, dite Ophelia,
     Guinéenne peule du Bronx,
     Héroïne du Tout-Monde chanté par Edouard Glissant

Les liaisons dangereuses peuvent se transformer en illusions perdues puis en voyage au bout de la nuit.
C'est ce que m'apprit la poussière des livres, quand j'étais femme de chambre au Palais des Mirages.
Trois fables romanesques résument ainsi trois siècles d'histoire occidentale, éclairant mieux l'actualité que tous les journaux et magazines s'étalant aux kiosques de la place Jamaâ al Fna. Celle-ci résonne encore des "Voix de la Paix" qui se firent entendre il y a quelques jours, en hommage aux victimes de l'attentat du 28 avril.
On disait du Palais des Mirages qu'il avait accueilli le poète italien d'Annunzio, chantre du Duce ; désormais, il est habité par une race nouvelle parmi les maîtres du monde, qui aime se prétendre la voix des sans voix.
Tu peux imaginer les ricanements à la première chanson du concert : Allah ya moulena (protège-nous Allah).
Cette joyeuse compagnie de snobnambules, qui achevait ses nuits à la prière de l'aube, se rêvait alors l'actrice de toutes les guerres d'émancipation, non sans un art consommé des masques et des costumes réversibles.
Chacun de leurs gestes était étudié pour paraître une pose héroïque entre deux plongées dans le néant. L'ennui se consumait, depuis la prière de l'aube jusqu'à celle du couchant, par de quotidiens débats messianiques ayant pour enjeu le sort du monde au bord d'une piscine dont j'avais à surveiller la température, afin que le peuple élu ne risquât point de s'enrhumer lors de sa prochaine traversée du Jourdain, qui correspondait à la baignade apéritive. Cornes de gazelles et boissons délectables jaillissaient des mains domestiques à l'instant même où il était agréable aux maîtres d'en jouir. Nous incarnions la magie d'un théâtre de fantasmes fait pour égayer les pauses dont ces consciences universelles agrémentaient leurs cogitations sur le moyen de redonner l'espoir aux classes populaires d'élire l'un des leurs à la prochaine échéance présidentielle.
Une légende rapporte le nom de ce riad au fait que certains soirs, jadis, le voyageur égaré par la soif pouvait voir s'offrir à ses yeux non l'illusion d'une tranquille nappe d'eau, mais celle d'un océan tumultueux. La ville a prospéré, le vieux mirage a cessé, mais le mythe est resté - tout séparé que fût Marrakech de l'Atlantique par la chaîne de l'Atlas. Où l'onde et le roc s'épousent est le village natal de ma mère ; je te remercie d'avoir choisi la date anniversaire du 10 mai dernier pour y avoir introduit la vache Amal et son veau Raja : ces noms en arabe sont signes d'une tout autre espérance que celle qu'ils fêtaient ce 10 mai au Palais des Mirages !  Avec envie j'ai vu d'ici leur festin de gruau d'avoine en guise de bienvenue dans l'Atlas ; et qu'elles disposent d'une étable plus luxueuse que le Palais des Mirages, où comme sur un trésor de la famille veillent sur elles Omar et Abdelkebir. Ayiha !  Comment vivre encore sans le beurre et le lait aigre de Tamaroute ?
Nul n'a jamais vu le propriétaire du Palais des Mirages, où se tient table ouverte à toute heure chaque jour pour tout ce que compte Paris d'esprits distingués férus de littérature et de grandes idées. Leurs noms de code, au long de cette interminable joute verbale contre l'ennui qu'était leur existence, empruntait aux figures légendaires des livres dont je protégeais le sommeil contre les toiles d'araignées. C'est ainsi qu'aimait se faire appeler comte Almaviva celui dont ils ne craignaient pas d'anticiper la certaine victoire électorale ce 10 mai dernier, dont le visage blafard vient d'éclabousser moins glorieusement les kiosques de la place Jamaâ al Fna.
Pouvaient-ils imaginer qu'une domestique, époussetant Hamlet, s'était fait embaucher sous le nom d'Ophelia ?
L'armée des serviteurs était alors trop nombreuse pour que les maîtres se souviennent de nos prénoms, même s'ils prenaient grand soin d'accorder leurs masques à des opinions démocratiques hautement proclamées, qui s'affichaient de semaine en semaine à longueur de chroniques aux kiosques de la place Jamaâ al Fna.
Mais ils n'oubliaient jamais d'affecter quelque grimace affectueuse en guise de reçu pour notre soumission à leurs caprices dégénérés. Leur vision du monde, accoutumée de très longue date au troussage de domestiques, ne trouvait-elle pas une incitation - voire une provocation grivoise - dans le voile que nous portions ?  Je crois le comte Almaviva capable de plaider une réaction légitime contre l'invite implicite constituée par le bout de tissu dont pouvait s'être couverte à New York cette Ophelia.
Je les entends encore et crois deviner leurs commentaires, aujourd'hui qu'un des leurs se trouve pris dans les mâchoires de la justice américaine. Car celui qui se présentait à tous comme le comte Almaviva possédait un riad voisin du Palais des Mirages. Si l'on n'avait pas trop peur des mots, n'était-ce pas l'équivalent d'une affaire Dreyfus ?  La rage de la meute que l'on voyait se repaître de l'honneur d'un dignitaire humilié, comparé dans la presse à un bouc difforme, à un répugnant satyre velu ; cette ivresse collective à laquelle participa la transe des ménades en fureur faisant claquer leurs fouets sur l'échine du pauvre homme des cavernes, avant de le pendre au gibet planétaire et d'allumer le bûcher d'un supplice expiatoire ; cette damnation sans appel de l'un des plus éminents bienfaiteurs de l'humanité, que ses sens égarèrent un instant : rage, ivresse, damnation n'évoquaient-elles pas les pires pogroms contre le peuple élu ?
Ce que confirme un autre propriétaire voisin - le prophète Josué - qui sur le site Web de Newsweek accuse ma consoeur de "faire semblant" d'avoir été victime d'une agression pour profiter de quelque retombée pécuniaire et publicitaire... Oui, c'est un J'accuse à la Zola que ces redresseurs de torts ne manqueraient pas d'affûter de leurs plumes trempées dans le sang des martyrs... Ne serait-il pas avisé de reconnaître, affirmeraient-ils ainsi d'emblée, que la soi-disant victime, islamique pratiquante, portait tchador ou nikab au moment d'entrer dans la chambre et que le comte Almaviva, mû par le seul instinct d'oeuvrer à l'émancipation féminine, la délivra de ce voile indigne ?  Aussi, dans son propre intérêt bien compris, serait-il préférable qu'elle retire sa plainte et trouve un terrain d'entente cordiale avec le comte Almaviva, ne serait-ce que pour éviter les représailles judiciaires... De tels raisonnements, comme tous leurs discours, ne leur garantissaient-ils pas une incontestable supériorité spirituelle sur les Allahu akbar du muezzin à la mosquée voisine ? ...

Je m'adresse à toi depuis le sommet du minaret de la Koutoubia.
Qui donc, si je criais, m'entendrait parmi les touristes affairés à leur trek - ignorant que ce mot signifie "chemin" en arabe ?  Mais je garde le silence et ma voix te parvient avec plus de clarté que celles des voyantes qui s'offrent à te lire les signes de la main. Car ce sont mes mots qu'elles vont proférer, ce sera ma légende qui se faufilera par leurs lèvres parfumées...
Quand vint l'Indépendance, disait ma mère, ceux qui nous colonisaient ressemblaient à des enfants séparés du sein maternel. Pour elle, seul ce déchirement pouvait expliquer la folie de nos agresseurs. Un demi-siècle plus tard, leurs enfants et petits-enfants viennent sucer la paille des cocktails au lait de coco sur la place Jamaâ al Fna. Le récit des folies d'antan se dissipe dans la brume qui descend de l'Atlas à l'heure de l'apéritif. Une autre colonisation s'est accrochée au sein maternel de l'Afrique. Pour se prémunir contre leurs mauvaises fièvres, ne suffisait-il pas aux anciens maîtres de changer le sens des mots ?  Désormais le grand corps nourricier, secoué de frissons convulsifs, serait lui-même réputé malade. Les nouveaux maîtres n'en seraient-ils pas les guérisseurs, munis de fétiches inédits ?  Mille pharmacopées jaillies des laboratoires de la finance prodiguèrent leurs bienfaits sous forme d'ajustements structurels, dont les soubresauts de chaque membre morbide attestent pleine et entière validité médicale. Ainsi le directeur du Fonds Monétaire International devait-il élire domicile au coeur historique du Maghreb, en cette cité fondée voici près de mille ans par le Berbère Youssef Ibn Tachfine...
Je te propose de nouer un nouveau pacte de Marrakech, d'une tout autre portée que celui qui liait ce pauvre comte à telle duchesse et telle marquise du socialisme français. Puisque nous nous intéressons aux mêmes choses - traces et marques, images et signes -, regarde l'écriture dans le ciel des hirondelles qui s'embrassent en plein vol. Vois comme elles se rient de toutes nos clôtures !
Elles inventent une langue surnaturelle échappant aux lois terrestres, comme pour signifier que la création d'un autre monde est toujours possible. C'est un langage que ma mère était capable de lire et de traduire durant son enfance, dans le dernier village de l'Atlas avant l'Atlantique.
Pour accéder à Tamaroute, il n'y a jamais eu de route au départ d'Aourir, bourgade populaire à quinze kilomètres d'Agadir. Trois cents Amazighs éleveurs et cultivateurs y vivaient encore il y a cinquante ans comme au temps des guerres entre Rome et Carthage.
C'est donc là qu'Amal et Raja symbolisent l'espoir d'une résistance. Car l'Empire d'aujourd'hui dispose d'innombrables césars qui, bien incapables d'écrire leur Guerre des Gaules, n'en exercent qu'une puissance plus destructive encore qu'il ya deux mille ans. A Tamaroute comme ailleurs, la modernité s'accompagne d'un inexorable exode rural. Eh oui !  Venu d'un village accroché à l'autre flanc de la montagne, mon père enleva ma mère et ils s'enfuirent à Marrakech...

Chorb wa chouf !  Ainsi s'appelle une des fontaines sur la place : Bois et vois !
Laisse-toi porter par ma danse mystique. Ce récit vise à la création d'une légende nouvelle du passé. Tisseuse de songes et d'énigmes, je viens de tracer un oeil au creux de ta paume pour guider ta voyance en l'avenir, toi que j'ai convoqué depuis l'Atlantique par-dessus l'Atlas. Ancestrale est ta main tatouée par le mythe. J'y lis des prédictions qui me concernent. Cette calligraphie dessine un paysage explosé. Nul point de chute au coeur du chaos, que le graphe d'un oeil de Fatima sur cette main d'atlante en souffrance d'Atlantide.
Tu m'écoutes encore ?  Oui, c'est ma propre histoire que je divulgue par la voix de cette Shéhérazade au visage voilé qui continue de déchiffrer dans ta paume son propre destin. Car j'ai passé toute ma vie, depuis le retour de Belgique, sur cette place où la bombe des césars a voici peu déchiré le crépuscule.
Aucun règlement de comptes à exiger des touristes indemnes. Je ne veux massacrer ni souvenirs de vacances ni rêves d'enfance. Pas le temps d'inventorier un cycle où s'effilochent leurs destins hagards.
Seulement un récit croisé (c'est le mot), rapportant à la mienne l'histoire de ma mère, non sans que cette croix se plante au coeur du Palais des Mirages. Les dîners n'y étaient-ils pas les plus chics de Marrakech ?  N'importe qui débarquait à toute heure de New York ou de Tel Aviv. Tout ce que la planète comptait de mondains lettrés, d'hommes d'affaires philanthropes, de banquiers soucieux du sort de l'Afrique, se devait d'y transhumer dans l'espoir de n'être pas en retard d'un projet révolutionnaire. L'idée d'une marche à travers le désert pour prêcher les droits de l'homme au Sahel ?  Lancée par le prophète Josué, qui recueillait le soutien des plus grands noms de la mode et du show business, elle voyait grâce à l'aval d'Almaviva sa réalisation bénéficier d'aides venues du Qatar et de la principauté de Monaco. Si le projet se concrétisait sous la forme d'une caravane publicitaire de journalistes en 4x4, survolée par Josué dans son jet privé, les inévitables victimes africaines de l'opération fournissaient l'occasion providentielle d'exhiber une sincère tristesse aux kiosques de la place Jamaâ al Fna.
Comme la plupart des grandes places touristiques du monde, celle-ci impose un sentiment de lassitude après un rapide coup d'oeil. Mille fois plus de marchandises interchangeables que n'en peut absorber le troupeau de consommateurs le plus en manque de produits folkloriques. Ce n'est pas la lecture d'une plaque de marbre au milieu des voyantes et des charmeurs de serpents qui t'aurait fait sauter l'Atlas depuis l'Atlantique...
Je te savais incapable de rester plus de quelques heures dans ce piège à fric où tout est faux, même et surtout le souvenir enchanté qu'en ramèneront les visiteurs se filmant hilares devant les décombres de L'Argana, aussi peu enclins à l'indulgence pour une religion fanatique et meurtrière, qu'à déchiffrer les misères pour lesquelles on endosse le costume de voyante ou de charmeur de serpents. Mais tout cela ne constituait-il pas un décor assez toc pour aimanter les falsificateurs en chef de notre monde ?  Quoi de plus excitant qu'un palais arabe authentique ?  Dès qu'il fut question de pourvoir Amal et Raja d'un compagnon mâle susceptible d'agrandir la nouvelle tribu bovine dans le village natal de ma mère, je me suis arrangée pour faire parvenir à tes oreilles une rumeur selon laquelle il n'est de vaillant taureau dans la région que marrakchi. C'était donc un devoir pour toi d'inspecter tous les riads pouvant héberger l'animal convoité. Ainsi j'ai dirigé tes pas vers le quartier Sidi Mimoun, ruelle Sidi Mbark N° 11. L'adresse du comte Almaviva, voisine du Palais des Mirages. "Dar Cherifa" - maison de la princesse - est le nom de ce paradis clôturé de murailles infranchissables, dont la vieille porte en bois cloutée jouxte quelques boutiques aux volets clos pour la prière du vendredi.

Le mystère d'Allah préside à naissance et enfance. En moi demeurent les hurlements dans le ventre de ma mère, ainsi que le cri de mon père.
Je suis leur parole immémoriale.
Que s'est-il passé dans la boutique familiale, juste à côté du Palais des Mirages ?
Les enchevêtrements de nos destins composent un tatouage dans le ciel, déchiffrable par le seul Allah. J'ai dit à ce nuage : vas-y, raconte !  Il paraît qu'elle fut violée sous ses yeux, la porte ayant été forcée de notre boutique. Or quelques années d'âge me séparent du comte Almaviva - qui a passé son enfance à Agadir -, auquel je ressemble comme une soeur. Son père aurait-il été, lui aussi, la proie d'impulsions irrésistibles ?
Cinq ans plus tard, juste avant l'Indépendance, le nuage me vit encore contre un mur du Palais des Mirages, mains levées devant le fusil-mitrailleur d'un même para. Pouvait-il savoir, ce brave soldat de la République - lui ou son frère - si cette petite fille en guenilles aux yeux trop clairs provenait de sa propre semence ?  L'histoire demeure opaque et flotte au vent, là-haut, dans un battement de torture, sur le drapeau tricolore dont s'honore le sommet du Palais des Mirages. De quelle manière justifier cette légende que je ne me suis peut-être inventée que pour te la raconter, quarante ans après notre rencontre en Belgique ?  Je ne me dissimule guère le trouble qu'elle peut susciter quand partout l'on enterre les vieilles histoires coloniales comme des fables d'un autre âge. Ne voit-on pas comment, sous une autre impulsion - celle du prophète Josué -, triomphent morale et justice, droits de l'homme et démocratie sur les images aux kiosques de la place Jamaâ al Fna ?  Que la négation de ces valeurs n'est plus l'oeuvre que d'Etats autoritaires, s'étant réclamés du combat contre l'impérialisme occidental ; que ce dernier, modernisé, met hors d'état de nuire en s'étant arrogé le rôle du Justicier...
Quelle simplicité dans l'analyse !  Car ne voit-on pas aussi que partout en Occident ce qui se nommait la gauche est passé au centre, le centre à droite, la droite à l'extrême-droite, celle-ci n'ayant plus qu'à envahir l'espace laissé désert à gauche ?  Ne voit-on pas que le capitalisme informationnel use d'armes nouvelles pour exercer sa tyrannie, qui par autoroutes électroniques provoque davantage de saccages, pillages et carnages que les colonisations archaïques ?
C'était la main de l'homme qui passait sur la carte le ciseau des frontières coloniales. C'est une batterie d'ordinateurs qui répartit les flux d'inputs et d'outputs, auxquels tous les gouvernements obéissent, pour que les dettes explosent en mille hécatombes mondiales.
Ainsi le PIB global annuel correspond-il à la valeur d'une dizaine de couples formés par une vache et son veau, ou d'autant de vaillants taureaux, par habitant de la sphère terrestre - soit, une quarantaine de bêtes à cornes par famille avec deux enfants. La spéculation financière, d'autre part, fait transiter quotidiennement le dixième de cette somme - soit, un taureau par humain - sur les marchés planétaires.
Comment se répartit une telle valeur ?
Comme pour illustrer la définition du capitalisme faite par Marx dans son Capital (« extrême accumulation de richesses à un pôle, extrême accumulation de misères à l'autre pôle »), il fut relaté par les journaux aux kiosques de la place, avant même les déboires new-yorkais du comte Almaviva, que chacun de ses costumes - chez le même tailleur qu'Obama - valait mille bovins l'unité - valeur identique au loyer mensuel de son actuelle résidence à Manhattan ; quand, dans le village de Tamaroute, qui compte une centaine d'habitants, le nombre total de bêtes à cornes avant l'intervention que je t'ai dictée le 10 mai s'élevait au chiffre de zéro, mille taureaux !
Au coeur de ce vaste cirque de montagnes semé d'arganiers sauvages, dans l'ultime vallée de l'Atlas avant l'Atlantique, je vois encore quelques maisons dont la pierre se confond au djebel, où le temps n'accède qu'à dos d'âne - rarement en mobylette - mais le plus souvent chemine à pied sur les kilomètres de coquillages pétrifiés longeant l'oued et la falaise depuis la banlieue d'Aourir. Là, parmi les maigres champs d'orge et de blé, jadis il y avait un troupeau, dont les gémissements fantômes survolent encore certains soirs la chaîne montagneuse pour se faire entendre dans l'arène de la place Jamaâ al Fna.
Quand j'étais femme de chambre au Palais des Mirages, les maîtres plaisantaient en écoutant ces longues plaintes qu'ils assimilaient à celles d'un peuple en souffrance. Comment y mettre fin sinon par l'estocade ?  Je vois encore le comte Almaviva mimer l'action du torero, plantant ses banderilles et maniant un tissu rouge dont la symbolique redoublait leur hilarité. C'est à moi qu'il faisait parfois mine - comme à une intime - d'offrir les oreilles et la queue de l'animal sacrifié.
Je n'oublie pas son sourire coquin ni ses yeux polissons. Mais le mugissement du vent de l'Atlas reprenait alors depuis les hauteurs, figeant les rires dans un riad à Marrakech où nul n'aurait pu même imaginer l'existence d'un village privé de route mais à l'écart de rien comme celui de Tamaroute...
Le Vivre sans temps morts, jouir sans entraves de leurs jeunesses contestataires s'est accompli dans un Consommer ce que l'on veut, quand on veut, où l'on veut dont ils ont fait l'idéal planétaire. Même si, passé le souk à gauche et tournant à droite, le bidonville proche ne pourrait guère appliquer ce beau principe à l'usage de l'eau potable et de l'électricité. Du moins les enfants s'y débrouillent-ils pour disposer chacun d'un téléphone portable garantissant tous les accès multimédias, qui remplacent avantageusement l'école, évaporée au profit des cybercafés, grâce aux ajustements structurels planifiés par le comte Almaviva.

Le Palais des Mirages, de propriétaire en propriétaire, n'a jamais rien fait pour trahir sa fable initiale. Ne disait-on pas que lui devaient leur nom les célèbres avions de combat français, pour la raison qu'il avait appartenu à un nabab de l'aéronautique ayant eu coutume d'y méditer les stratagèmes en trompe-l'oeil de ses journaux et magazines, qui occupent chaque jour une place d'honneur aux kiosques de la place Jamaâ al Fna ?
Les mésaventures du comte Almaviva semblent y bénéficier d'un regard complaisant : plus de deux siècles après Le Mariage de Figaro, le droit de cuissage d'un seigneur sur une servante relève d'un libertinage qui s'accorde aux normes licencieuses en vigueur dans les nouvelles cours, depuis que les moeurs féodales ont reconquis les sphères économique, politique et culturelle.
D'ailleurs, voici trois ans, quelque obscure subalterne hongroise du FMI n'avait-elle pas tenté d'entacher la réputation de son directeur, l'accusant fallacieusement d'abus hiérarchiques sur sa personne physique ?  L'enquête interne de l'organisme caritatif rétablit l'exacte vérité : si la femme avait bien été abusée, c'était par ses propres fantasmes et d'une manière aucunement hiérarchique, tant le wonderboy libertaire avait prouvé ses convictions égalitaires. L'ex-future première dame de France avait en outre plaidé l'innocence de son époux - témoignage qui, eu égard à son incontestable autorité médiatique, pulvérisait toute accusation mensongère. C'est ainsi qu'aux yeux des épidémiologues s'éloigna la menace d'une contagion transalpine, tant l'affirmation d'une autre femme, prétendant être celle du chef de l'Italie, selon laquelle son pays serait infesté par une morbidité spécifique ayant pour symptôme "des vierges s'offrent au dragon" ne peut être imputable à un homme de gauche préférant les femmes mariées.
Depuis plusieurs années, le comte Almaviva ne défendait-il pas avec bravoure l'idée d'une proposition de taxe sur les spéculations financières ?  Même si nul n'attendait une quelconque réalisation de cette idée, sa portée symbolique ne manquait pas d'être ressentie jusque dans les bidonvilles jouxtant le souk de Marrakech, où je t'ai montré quels cybercafés remplacent les écoles grâce aux ajustements structurels du comte Almaviva.
Car, même si les quatre cinquièmes des sommes promises à des pays en difficulté par le FMI n'ont jamais été débloqués - lesquelles sommes totales correspondent au dixième des transactions financières opérées chaque jour, soit quelque 500 millions de taureaux -, la visite amicale que se proposait de faire bientôt le bienfaiteur à ces bidonvilles y entretenait la flamme de l'espoir, substitut non négligeable à l'eau et à l'électricité.
Comme le clame à l'envi le prophète Josué, l'incident de New York est donc un coup dur avant tout pour les déshérités de la planète. C'est pourquoi, dès l'explosion du fait divers aux kiosques, réduisant en cendres ce qu'il restait dans les mémoires d'une autre explosion survenue quinze jours plus tôt sur la même place, je fus enchantée d'apprendre que l'avocat du comte Almaviva, Benjamin Brafman - expert en dialectique talmudique - avait commencé sa carrière en faisant acquitter un mafieux notoire appelé "Le Taureau". N'était-ce pas un signe propice pour le développement de ton projet ?  Si, comme nous le croyons volontiers, tout est entre les mains de la divinité qui adresse aux hommes des signes, le comportement supposé tauresque à New York d'un homme ne faisant pas mystère de sa judéité ; qui, dans une interview accordée naguère à Tribune juive, avait assuré "se raser chaque matin en se demandant comment être utile à Israël" ; notoirement accusé d'autre part par ses ennemis de sacrifier au Veau d'Or : tout cela pouvait-il s'avérer autre chose qu'une sordide affabulation montée de toutes pièces par le lobby antisioniste, voire ourdie par un antisémitisme négationniste et toujours potentiellement génocidaire - comme celui régnant à Gaza ?  L'esprit de l'Eternel serait donc avec ton taureau !
Puis les événements de l'hôtel Sofitel autorisèrent l'actuel président de la République à faire valoir la nécessité d'une opportune "hauteur de vue". Celle dont faisaient preuve les pensionnaires du Palais des Mirages quand, depuis la terrasse d'une construction bâtie sur l'abîme, ils écoutaient le murmure des pauvres dans la poussière des ruelles - plus incompréhensible encore à leurs oreilles que les mugissements fantômes des bovins disparus de Tamaroute, quand ils franchissaient l'Atlas et se faisaient entendre sur la place Jamaâ al Fna.
Les domestiques étaient témoins de leur flirt quotidien avec le néant, qui portait autant de masques séduisants que de noms d'acteurs de la jet-set. Même si je ne percevais de ce dernier mot qu'un sens approximatif, il ne me paraissait pas absurde que le match de leur vie se jouât en sets n'ayant guère à dédaigner les jets.
Le nabab de l'aéronautique et grand patron de presse était là pour les commandes, ajoutant aux Mirages de sport quelques bombardiers Rafale dont le prophète Josué, comme le comte Almaviva, garantissaient l'usage à des fins strictement humanitaires. N'est-ce pas un impératif catégorique du nouveau pouvoir totalitaire ?

Je portais alors mon regard vers les cimes de l'Atlas, comme je le fais à l'instant pour voir un point noir devenir trait flottant dans le ciel et préciser assez vite l'ampleur de ses ailes déployées puis décrire de longs cercles au-dessus de la place et venir se poser à mes côtés. Selon ma mère, les aigles ne sont pas rares à Tamaroute. Celui-ci me tient un drôle de langage muet, au sommet du minaret, me fixant comme s'il ne mettait pas en doute mon aptitude à traduire en mots son message. Les changements climatiques, assure-t-il, augurent une ère de sécheresse pour l'élevage en Europe et l'Atlas a bénéficié de pluies exceptionnelles ces dernières années : pourquoi ne pas imaginer que la Belgique s'abreuve aux produits laitiers de Tamaroute ?
Je crois avoir été fidèle au sens de son ambassade, car l'aigle a repris son vol et ses ailes dans le ciel sont redevenues trait, puis point noir disparaissant au-dessus de l'Atlas dans la direction de l'Atlantique.
Sous le son aigre d'une flûte à serpents, au rythme des tambourins, ton regard n'ayant rien perdu de la scène se tourna vers les lions qui ornent le grand drapeau marocain étalé sur la façade ocre de la Wilaya. Si j'étais l'ange ou le sphinx de cette histoire, ne manquait-il pas encore un taureau pour que fût complet le tableau apocalyptique d'une place dominée par les débris de L'Argana ?
Or, ce n'était pas moins de 10 millions de taureaux annuels dont il était prévu de faire en France l'économie dans l'enseignement, selon l'avis d'experts aussi fiables que le comte Almaviva. Quel rapport entre toutes ces hécatombes ?
Il me fallait avouer mes limites herméneutiques (tu n'as pas oublié que j'ai fait la philo classique à Louvain). Je ne pouvais aller plus loin dans l'interprétation du sens de tous ces événements... Du moins, t'avais-je comme témoin de mon désarroi. Que savons-nous des vilenies de l'Ancien régime, sinon ce qu'ont bien voulu nous en dire Beaumarchais, Mirabeau ou Diderot. Mais leurs théorèmes (au sens éminemment positif, hérité du grec ancien, de spectacle, que je donne à ce mot, réfutant l'idéologie debordiste fort en vogue au Palais des Mirages) - ne reçurent un accueil véritable qu'après le terme de leurs existences. De même, ce théorème-ci ne rencontrera d'abord qu'un silence glacial, alors qu'il passera pour évident dans vingt ans. Soit une question, qui fera rire le futur : pourquoi le règlement de l'affaire mettant en cause le comte Almaviva se voit-il confié à la Hate Crime Units (division des crimes crapuleux) ?  Voudrait-on insinuer l'idée qu'au sommet pyramidal de la société trône la pègre des bas-fonds ?  Ce serait offrir des perspectives à une vision du monde révolutionnaire, tant l'opération mentale corollaire suggérerait que la noblesse humaine authentique se rencontre, davantage que dans l'élite gouvernante, parmi la lie des bidonvilles - voire chez les paysans berbères de Tamaroute.
Ainsi, encore, l'équivalent des 300.00 taureaux que vient d'octroyer l'Etat français à cet aigrefin notoire de Bernard Tapie (dont 50.000 à titre d'indemnité morale !), pour solde d' escroquerie, couvrant on ne sait quel chantage au plus haut niveau de l'Etat, ne laissant d'alternative qu'entre la prison ferme (en cas, bien improbable d'élucidation), et la place laissée vacante par le comte Almaviva... Citer le nom de la ministre française de l'Economie, des Finances et de l'Industrie serait attenter à l'hygiène de ce théorème. Aujourd'hui au Brésil, demain en Chine, puis en Inde et en Russie : la garde à vue qu'exigerait l'équité, par magie panoptique, se transforme en cavale féerique avant l'intronisation de la salope sur le trône d'Almaviva, sous l'oeil de Capitotal !
Dans moins de cinq ans, l'opprobre historique sera sur elle davantage encore que sur ce pauvre homme, au secours duquel j'ai résolu de me porter lors de son procès à New York, ce prochain 6 juin.

Jamais nulle part au monde il n'y eut un théâtre involontaire comme le Palais des Mirages ; où pourtant aucun des personnages ne devina jamais que j'y jouais moi-même la comédie.
Je n'étais aux yeux des maîtres qu'une femme de chambre. Et même s'ils m'affublaient d'un costume pouvant passer pour un déguisement de scène, je n'appartenais ni à l'univers de la représentation ni à celui du public - puisque j'étais une domestique.
Veux-tu que je te dise ?  Il ne devrait pas y avoir de femmes de chambre.
L'ultime finalité de tout combat politique, à l'encontre des simulacres pervers ayant fonction d'ersatz pour faire oublier le sens même du mot zoon politikon, est de faire advenir un monde où nulle femme ne serait assignée aux esclavages domestiques. C'est à dénoncer la scandaleuse persistance de moeurs aussi rétrogrades qu'a sans doute oeuvré le champion de la gauche mondiale dans un boui-boui de New York. Je m'associerai donc à l'avocat de la défense Benjamin Brafman (qui fit acquitter un mafieux surnommé Le Taureau), versant à l'appui de sa plaidoierie de nouvelles « informations convaincantes qui saperont sérieusement la validité de l'accusation et la crédibilité de la plaignante ».
Le droit est d'abord affaire de logique, même si l'avocat que je seconderai de mes conseils se veut "expert en dialectique talmudique". En l'occurrence, il y aura deux accusés, vis à vis desquels ma neutralité d'arbitre sera parfaite, puisque je suis la demi-soeur de l'un et la consoeur de l'autre.
Comment la Cour se passerait-elle de mon témoignage ?
Secret de polichinelle s'il en est, notre camarade a la fibre solidaire avec tous les exploités, au premier rang desquels ceux du sexe faible. Pour lui, cette accolade militante (un abrazo, dit-on à Cuba) chaleureusement octroyée à une prolétaire, n'était-ce pas manière d'affirmer charnellement son lien viscéral avec le peuple qui souffre ?  Est-ce sa faute à lui si cette femme de rien refusa de saisir la portée subversive de son geste ?
Si quelque regrettable malentendu ne permit pas à son message émancipateur d'être interprété correctement, c'est que le brillant tribun socialiste a fait preuve d'un défaut de pédagogie face à l'immigrée peu scolarisée. Au cours du séminaire particulier dont elle bénéficia, sans être capable d'en assimiler la substance, précisément séminale, que n'a-t-elle compris que soufflait sur elle avant tout cet esprit des Lumières qui, au XVIIIe siècle, unit la liberté politique et celle des moeurs pour délivrer l'humanité du joug et des préjugés d'un autre âge ?  Méritait-il pour cela d'être exhibé non seulement privé de cravate, mais encore non rasé, au risque que l'image de la France en souffrît ?  Car si l'on a vu l'Elysée réagir avec hauteur de vue et dignité, n'est-ce pas avant tout la représentation du pays de la Révolution française, de la Commune et du Front populaire qui s'en est trouvée humiliée ?  N'est-ce pas l'épouse en personne de cet héritier de Jaurès et de Léon Blum qui avait prêté ses traits aux officielles effigies de Marianne ?  Quant à l'affabulatrice - une musulmane, il fallait s'en douter -, n'a-t-elle pas usé de tous les stratagèmes pour que son masque se dérobe au regard du public ?
Obstinément voilé, son visage nous demeure plus invisible que celui de Ben Laden. A-t-on déjà enquêté pour élucider les raisons d'une telle coïncidence ?  L'un, harcelé au pilori de l'infamie ; l'autre, enveloppée d'une couverture spectrale, tel un fantôme nocturne fuyant la vérité des caméras : n'est-ce pas une injustice d'Ancien régime qui a frappé ?  Heureusement, deux sommités mitterrandiennes sauvèrent l'honneur du parti à la rose. L'ancien garde des Sceaux parla de son domaine de prédilection quand il évoqua une mise à mort médiatique, et le toujours futur ministre de la Culture n'eut pas peur d'affirmer l'évidence : il n'y avait pas mort d'homme. L'un et l'autre suggéraient ainsi où était la victime et où la coupable réelles dans ce guet-apens pour la morale républicaine et le combat du camp progressiste. Ne serait-ce pas un revers cuisant que de laisser accréditer, par les puissances réactionnaires, le moindre soupçon quant aux buts altruistes poursuivis par l'éminent directeur d'une organisation dont on sait avec quelle compétente abnégation sont mises en oeuvre à l'échelle planétaire ses missions de service public, au premier rang desquelles priorité absolue se voit accordée à l'éducation et à la santé - comme la prétendue victime peut en témoigner.
Seuls ces idéaux justifiaient la candidature de l'héritier de Blum et de Jaurès à des fonctions présidentielles en France. Seule une haine de classe peut expliquer l'acharnement de l'adversaire à ne reculer devant aucune des plus viles méthodes procédurières, prenant la Justice elle-même en otage, pour empêcher l'accomplissement d'un si noble dessein.
Je viens de résumer la substance des analyses et commentaires glanés depuis deux semaines dans journaux et magazines au kiosque de la place Jamaâ al Fna.
Voici donc les propriétaires de l'image et de la parole publiques, les maîtres du miroir et du tam-tam, qui n'en croient ni leurs yeux ni leurs oreilles !  En l'ère des relations incestueuses quotidiennement consommées entre noblesse financière et clergé médiatique, un membre de la caste fait un pas de travers et bouleverse tous les scénarios du show planétaire !  Les cris scandalisés de toutes les familles du clan, clivages de scène politique abolis, ne laissent pas de stupéfier les spectateurs plus encore que l'incident technique. Jouent-ils encore le rôle qui leur est dévolu ?  Sont-ce les personnes réelles, sous le costume de leurs personnages, qui expriment ces cris prétendant imiter ceux d'une prophétesse en colère ?
Ainsi du prophète Josué, dont le riad jouxte la Dar Cherifa du comte Almaviva, dans ce quartier Sidi Mimoun que le peuple du coin nomme avec effronterie crachant par terre "le petit Israël", en raison des murailles qui les ceinturent, abritant leurs propriétaires contre toute menace terroriste (fût-elle celle du moindre regard en embuscade sur quelque toit), à l'instar du mur de sécurité protégeant, à Jérusalem, contre les autochtones de souche ancienne, les élus de la Terre promise ayant pour eux de plus longues racines inscrites au Grand Livre du Ciel. Fidèle à sa réputation de justicier, c'est Josué qui signale d'emblée combien peu crédible est l'accusation contre son voisin, pour la raison irréfutable que lui-même n'était pas présent dans cette chambre. Et d'ailleurs, le cote Almaviva peut-il être considéré comme un justiciable ordinaire ?
L'on ne descend jamais en vain de la tribu des Lévites, habitués depuis les temps bibliques aux missions de justice et de vérité. La plus implacable logique préside à son argument. Comme nul n'est supposé rien savoir de ce qui se passe en Palestine, dès lors que la seule autorité légitime en cette colonie n'a pas donné sa version officielle, de même aucun procès n'a lieu d'être sur seule foi d'une négresse. Sachons-lui gré d'élever le débat à la hauteur littéraire qui lui sied : Faulkner, par exemple.
C'est pourquoi j'ai cru bon de te signaler ces enclos comme les premiers à visiter, lors de ta prospection pour trouver une compagnie mâle à Amal et Raja. Les deux rouquines peuvent-elles rêver meilleur parti qu'issu d'un élevage appartenant soit au manager ayant fait de la culture universelle sa priorité, soit à l'intellectuel aux ordres de l'Eternel ?
Sur la place à présent nocturne et déserte, j'observe ton conciliabule avec les mules tirant leurs charrettes à poubelles. Je t'ai entendu leur parler, puis écouter braire leurs prophéties qui prolongeaient celles des fausses voyantes retournées depuis longtemps faire le ménage dans leurs gourbis des bidonvilles. Une mule était Job, l'autre Ezechiel, une autre encore Isaïe. Puis vinrent celles que tu nommas Karl Marx, Ernst Bloch et Walter Benjamin. Votre étrange manège dura jusqu'à la prière de l'aube que j'ai lancée moi-même, depuis le sommet du minaret. Où veut-elle en venir, cette moukhère berbère, sembles-tu me dire. Patience, Roumi d'mes deux. Tu ne savais pas à quoi tu t'exposais, en confiant ta dextre à une prophétesse en colère.
Le point de vue des mules de l'Atlas, je l'emporte avec moi pour franchir l'Atlantique.

(à suivre...)

Jean-Louis Lippert, le 1er juin 2011.

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