INVITATION
L'Atlantide est refuge aux sirènes du globe. La dernière fois qu'il quitta l'île à la nage
pour gagner un continent, les mœurs avaient encore évolué. Sur la plage étaient
organisées de populaires compétitions de natation, qui ne se risquaient pas
dans l'océan mais avaient adopté le cadre d'une piscine brillamment éclairée
par les projecteurs, évoquant une pataugeoire pour enfants. Les caméras
n'exprimèrent aucune surprise à l'arrivée de l'exote : l'Atlantide n'existait
pas. Comme ce bassin de concours se réduisait à une taille lilliputienne,
c'étaient les officiels qui s'affrontaient entre eux, qui se distribuaient
médailles, prix d'excellence et places d'honneur au podium. Une épidémie de
politose et d'idéalgie, crut-il entendre dire par une foule hagarde, avait
anéanti les champions de nage au grand large, remplacés par l'élite qui
homologuait leurs exploits dans un temps révolu. L'exote entendait
acclamer celui qui de ce show était la plaque tournante sous le nom de «Pivot»,
quand il plongea vers l'horizon, pressé de le franchir dans l'autre sens. Nul
maître-nageur ne manifesta plus d'émotion qu'à l'arrivée de ce traversier venu
de son île aux sirènes : ça n'existe pas, l'Atlantide.
Pourquoi
les chants de la sirène du fleuve Mamiwata
ne sont-ils pas audibles en Belgique ?
Tel sera le thème d'une conférence à l'Université de Cadix le 15 mars prochain, sur invitation de Madame la Professeure Martine Renouprez
Les étudiants disposeront pour viatique de
Berlue d'Hurluberlu
par un Bougnoule au royaume de Belgique
(Éditions Miroir Sphérique)
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Musique d'accompagnement :
Atlantida
(Manuel de Falla)
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Tout piroguier de hauturière navigation fluviale, océanique ou cosmique bienvenu !
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Le Théorème de la Sphère
sera pour la première fois exposé en public
Prolégomènes d’un énergumène
On ne rencontre jamais un écrivain. L’instance ultime
d’où émane un message d’écriture est toujours une inconnue pour le lecteur
comme pour l’auteur lui-même, à qui il échoit de porter le masque social de
l’écrivain. Celui qui se présentera devant vous devrait donc se contenter de
tenir ce rôle, et vous n’auriez pas à lui porter plus d’attention qu’à un
comédien, s’il n’avait créé un double (ou plutôt, si l’instance inconnue de
lui-même, envoyant ses messages par son intermédiaire, n’avait pas décidé, en
l’an 1979, de se manifester) sous la forme d’un être de fiction portant un nom
qui évoque l’Anatolie et l’Atlantide. Cadix, face aux colonnes d’Hercule, ne
fut-elle fondée par des Phéniciens venus du fond de la Méditerranée ? Il y
a donc une chance pour que cette rencontre puisse avoir un sens : que ce
soit ce personnage fictif qui se présente devant vous. Lui, peut-être, aurait
quelque chose de significatif à vous dire. Mettez-le à l’épreuve !...
C’est un lieu commun de considérer que l’écrivain, créant un univers, s’arroge
en quelque sorte un pouvoir divin. Mais je viens d’avouer qu’il n’y a pas de
rencontre possible avec un écrivain. La question du pouvoir divin restera
posée, mais où s’incarnera-t-elle ? Pas chez le personnage, qui n’est
qu’une créature en souffrance de créateur. Une seule solution : la
divinité, ce sera vous. Quelqu’un comparaîtra devant le tribunal d’un regard
collectif – le vôtre – comme un homme faisant face à cette vue de l’esprit dont
l’existence fantasmatique est attestée par toutes les cultures ; il
disposera d’une heure pour exposer un résumé de ce que fut sa vie de créature,
ainsi que peut s’imaginer le déroulement du Jugement dernier... Comme l’enjeu
d’un tel procès n’est rien moins que l’éternité, c’est vous qui aurez la
responsabilité du verdict, étant entendu que le prévenu citera pour sa défense
Arthur Rimbaud : Elle est retrouvée Quoi ? L’Eternité…
Non sans adopter le plaidoyer dont usa Rimbaud dans sa Saison en enfer.
Sera sans doute aussi convoqué à la barre Karl Marx, qui écrit en 1843 :
« La réforme de la conscience consiste uniquement à rendre le
monde conscient de lui-même, à le réveiller du sommeil où il se rêve lui-même,
à lui expliquer ses propres actions (…) La conscience est une
chose que le monde doit faire sienne, même contre son gré (…)
On verra alors que, depuis longtemps, le monde possède le rêve d’une chose dont il
suffirait de prendre conscience pour la posséder réellement ».
J.- L. L., mars 2017
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