Manuscrits de la Mère Rouge
éditions Sphère convulsiviste – 1985
Extrait (page 133, 3èmede couverture)
La lourde atmosphère d'énigme qui opacifie naturellement tous les rapports, s'épaissit davantage lorsqu'une détonation retentit,
de préférence pour tel financier du panthéon moderne, tel producteur de mythologies dérisoires, tel impresario de héros au rabais qui y laisse sa peau.
Contrairement à ce qu'une vaine naïveté laisserait suggérer, ce n'est pas là l'origine de cette odeur de charogne (ou de Peste)
qui se répand avec de plus en plus d'insistance, mais bien le pourrissement sur pied des vivants eux-mêmes.
Car si le labyrinthe se définit comme l'anti-spirale, si les gens mille fois se retrouvent au même point de leur parcours,
quoi d'étonnant à ce que l'individu dans la force de l'âge se voie engagé, pour l'illusion de la vie, dans une lutte à mort avec l'âme de ses ancêtres et le corps de ses propres enfants ?
Il ne reste à ceux-ci qu'à pourrir sur place, sans âme, jusqu'au degré suffisant de décomposition qui déterminera leur entrée dans l'âge adulte.
(A moins que quelque "révolution" spasmodique ne surgisse à point nommé déblayer le terrain, offrant pour un temps le "Champ libre" aux jeunes générations.)
De tous les cadavres qui jonchent les couloirs, beaucoup ainsi ne sont pas morts, au contraire, l'incrustation dans les traits des signes de la mort étant recherchée comme critère décisif de différentiation sociale
Le look, ou l'apparence de chacun reflétée dans les parois de glaces du Labyrinthe rend à chaque moment un jugement sans appel.
Suffisamment d'indices sont, selon nous, recueillis à ce point de l'enquête pour, tout d'abord, lever l'ambarassante ambiguïté – la diversion, dirons nous –
surgie avec la mort du producteur-impresario (n'est-il pas celui qui retourne le problème en plaçant ingénieusement le brave public dans une position de suspect virtuel
et en s'offrant pour lui construire un alibi; ne fait-il pas commerce, de boucher éventuellement un trou dans votre emploi du temps ?) – et établir les responsabilités, et culpabilités réelles.
Nous n'irons plus par quatre chemins (ceci dit sans prétention de faire sourire dans pareil contexte). Tournons-nous vers les marchands du travail du temps, qui ont fait du temps de travail une marchandise.
Cet inextricable enchevêtrement qu'on dirait d'un double film sur une même bobine (octogonale), c'est le temps linéaire découvert par l'Histoire moderne s'emmêlant dans l'espace clos de la cité,
et le temps cyclique traditionnel tournant fou sur les nouveaux axes de la production industrielle.
Ils peuvent bien y aller de leurs discours, ces tenants d'un néo-nomadisme provincialiste officiel, sur la modernisation technologique et le retour aux rythmes naturels,
assez aptes, si on leur en laisse le temps, à assurer la quadrature du cercle – cette pathologie relative au temps est le mufle même de l'esclavage,
faisant du propriétaire, au centre du Labyrinthe, le monstre dévoreur du temps de tout qui s'y aventure.
Ainsi cette mangrove urbaine, que l'on voit ne nourrir toute vision d'elle que de ses propres brouillards, et dont la réalité ne se révèle progressivement au regard qu'à mesure qu'il s'éloigne vers la périphérie,
celui-là seul en a une vision globale, laquelle lui garantirait en bonne logique la place laissé vacante au centre, qui en a gravi péniblement, et en-dehors de tout balisage officiel, les montagnes escarpées de la périphérie.
Et faudra-t-il finalement que s'avère, avec preuves à l'appui, la rumeur déjà insistante de l'errance éperdue, besace au dos, du Souverain officiel de ce Royaume dans les ghettos les plus délabrés des faubourg
à la recherche d'Anatole Atlas au moment même où celui-ci est vu surgir sur le balcon du Palais royal, pour que l'on s'avise que la crise de cet espace clos est identiquement,
en même temps que celle de la dimension truquée du temps, et comme nous l'avait déjà montré Musil, crise des rapports entre le centre et la périphérie, de la dialectique de ces rapports ?
Toute réinsertion du temps, de la dialectique, s'opèrera nécessairement – au rebours de ces apologies de l'ordre existant qui trouvent à se résoudre dans de tonitruants Vive la crise – par une véritable critique de la crise.
Instance critique instaurée aujourd'hui, et pour la première fois peut-être dans ce pays, par ces Manuscrits – raison pour laquelle ceux-ci ne pouvaient qu'avoir été publiés à compte d'auteur.
Jean - Louis Lippert, Janvier 1985
Sommaire
5 Présentation du roman-fleuve d'Anatole Atlas
12 Le Stade de la mise en cause du miroir comme phase de transformation du réel
15 Rencontre avec Aragon
19 Apologie du 21 juillet
23 Notes du Labyrinthe
42 Dérive Bruxelles-Broceliande
46 Parlez-nous de Ladrecht
49 L'Épopée – Tragédie – Farce du Pont du Bosphore
61 Hymne pour une ville sans fleuve (Texte du film)
78 Quelques critiques du Situationnisme sous différents aspects
91 Structure Contre-révolutionnaire de la Social-Démocratie libertaire
119 ANNEXES
132 pages 10 €
© Sphère convulsiviste – 1985
Disponible en exclusivité à La Librairie belge
718 chaussée de Wavre 1040 Bruxelles - Facebook @librairiebelge
SPHÉRISME | RETOUR
|