In U.S. God Trusts
À la mémoire de Tone Vingerhoets, aviateur émérite, décédé le 1er janvier 2023
L’Occident ne croit plus en Dieu ? Dieu croit en l’Occident ! In Us (lire U.S.) God Trusts est la vraie devise du dollar, vrai dieu de l’Occident.
Cet axiome ne peut être dit : laïcité républicaine oblige, dont la ruse consiste à produire un nuage d’idéalité masquant la structure sacrificielle du judéo-christianisme.
En temps de crise, l’idole assoiffée de sang représentée par le billet vert sacralise la guerre.
Si la Rome impériale était appelée « corps de tout l’univers », à partir du Ve siècle s’impose l’expression « Caput totius mundi » (Tête du monde entier),
pour une Église détenant, selon le pape Jean VIII, « la puissance sur tous les peuples »,
à laquelle « les nations du monde entier se rattachent comme à une tête unique ».
Tel est le principe qu’osèrent défier l’Union soviétique puis la Chine : raison fondamentale (indicible) de tous les conflits militaires contemporains.
Mais on a vu ces jours-ci la transcendance divine reportée sur une figure consensuelle de la surnaturalité : le père Noël.
Un dessin de presse, dans le quotidien français de référence,
montrait son céleste attelage larguant un colis de missiles américains Patriot au comique troupier de l’Ukraine, devenu chef des armées de l’Occident.
Zelensky croit au père Noël ? Non, c’est lui qui croit en Zelensky, disait l’image de propagande.
Rien de moins que la foi (l’une des trois vertus théologales) se trouve ici enrégimentée sous couvert d’humour critique.
Il fut un temps où les comics exerçaient une salubre mission de mise en question du pouvoir ;
depuis l’opération Je suis Charlie, plumes et crayons n’exercent (presque) plus qu’une fonction apologétique,
le pouvoir à dénoncer étant toujours celui d’en face.
Encore est-il rare que des humoristes s’approprient ce qui vient du ciel,
même si la supériorité dans les airs fut présentée comme apanage du monde civilisé par le nazisme et par les thuriféraires du Dieu des Armées d’Israël.
Mais jamais, nous révèle un écrivain juif américain depuis l’au-delà,
ne s’étaient vus 100% des chefferies médiatiques occidentales professer l’opinion dictée par Oncle Sam.
Cette doxa, poursuit-il avec un sourire aussi provocateur que son œuvre, n’épouse-t-elle pas celle de la vieille extrême-droite outre-Atlantique ?
Philip Roth conclut en effet son Plot against America (2004) par un Post-scriptum rappelant la vision fasciste exprimée par Lindbergh en 1940
dans sa défense de l’aviation : « don du ciel aux nations occidentales, (…) un outil fabriqué tout spécialement pour des mains occidentales,
un art scientifique que les autres ne font que copier médiocrement, une barrière de plus entre les multitudes asiates et l’héritage européen –
l’un de ces biens précieux qui permettent à la race blanche de survivre dans une mer menaçante de Jaune, de Noir et de Foncé ».
Les vœux de l’As des Airs seraient comblés par Père Noël à Hiroshima et Nagasaki,
comme par les escadrilles civilisées détruisant les flottes aériennes du monde arabe ;
avant de se voir exaucés au-delà de l’imaginable par l’anéantissement de la Yougoslavie, de l’Iraq et de la Lybie
(la Syrie n’ayant pas eu droit au déluge de feu sacrificiel pour cause de faiblesse mentale d’un Nègre à la Maison Blanche) ;
puis par les flottes satellitaires d’Elon Musk.
L’Union soviétique était ainsi vue par Lindbergh – toujours selon Philip Roth – comme l’empire le plus maléfique de l’histoire,
la civilisation occidentale n’ayant de chance de survivre qu’en le repoussant, lui et les puissances asiatiques s’étendant au-delà de ses frontières :
« le Mongol, le Perse et le Maure ».
Certes ce nazi déclaré, copié de nos jours par Houellebecq et Zemmour, ne pouvait-il prévoir la révolution chinoise.
Peut-on mieux résumer l’actuelle propagande occidentale, totalitaire en ce que cette opinion rassemble toutes les gauches officielles,
tous les centres et toutes les droites ? Céline et Aragon se fussent réconciliés autour de ce point de vue, nous suggère encore Philip Roth.
Voyez-le sourire en écoutant le Père Noël réciter aux oreilles de Zelensky les dernières lignes concernant Lindbergh de son Complot contre l’Amérique :
« Il écrivait aussi que la survie de l’Occident dépendait de ‘‘ l’union qui fait la force entre nous ;
d’une force trop grande pour que des armées étrangères la défient ;
d’un mur occidental de race et d’armes pouvant faire échec à un Gengis Khan, comme à l’infiltration par un corps étranger ’’ ».
Soit la phraséologie raciste utilisée par Hitler pour justifier l'extermination des Soviets, et ces derniers jours par Zelensky devant le Congrès U.S.
Bref, l’ordinaire des homélies prononcées à toute heure par les grands-prêtres de la tour Panoptic,
pour faire communier le monde libre et démocratique dans une liturgie d’obéissance à l’idole du billet vert,
en passe d’obtenir l’immolation sacrificielle au marché mondial. Pour la plus grande gloire de Kapitotal ;
dont Caput totius mundi fut la racine étymologique médiévale.
Anatole Atlas, décembre 2022 (centenaire de l'Union soviétique)
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